Dans le bassin de la rivière Júcar, une zone clé pour les ressources en eau de la région, les précipitations ont atteint 610,9 mm en seulement quatre jours, du 29 octobre au 1er novembre 2024. Cet apport massif d'eau a généré un volume de crue estimé à 4,453 milliards de mètres cubes, dépassant la capacité des systèmes fluviaux et des réservoirs.
L'étude des événements extrêmes comme les inondations de Valence peut aider le Canada et d'autres pays à mieux comprendre les graves risques liés aux changements climatiques, et à se préparer à un avenir où les événements météorologiques extrêmes seront probablement plus fréquents et plus sévères.
L'équipe des médias a interrogé Hossein Bonakdari, professeur agrégé à la Faculté de génie, sur les leçons tirées de ce phénomène climatique extrême et les stratégies de prévention futures.
Q1. Comment les pratiques de gestion des terres ont-elles contribué à la gravité des inondations, et quels changements pourraient réduire les risques futurs ?
Bonakdari : Le développement urbain rapide dans les villes côtières a considérablement aggravé la gravité des inondations en augmentant les surfaces imperméables, comme les routes et les bâtiments, empêchant l'infiltration de l'eau dans le sol. Ce ruissellement accru surcharge les systèmes de drainage, ce qui conduit à des inondations plus sévères. Dans les zones rurales, des pratiques telles que la compaction des sols due à l'expansion agricole et la déforestation réduisent la capacité naturelle du paysage à retenir l'eau, provoquant un ruissellement rapide qui intensifie les inondations en aval. La région ayant déjà connu des inondations et avec le changement climatique augmentant la probabilité de ces événements, la gestion des terres est essentielle pour réduire les risques futurs.
Les infrastructures vertes utilisent des processus naturels pour gérer l'eau et réduire les risques d'inondation en identifiant les zones vulnérables, en augmentant les surfaces perméables, en restaurant les plaines inondables et les zones humides, et en créant des barrières naturelles. Les infrastructures grises se concentrent sur des solutions d'ingénierie pour contrôler l'écoulement de l'eau, comme la modernisation des systèmes de drainage, le renforcement des digues, la construction de réseaux de transport et d'eau résilients, l'amélioration de la gestion des eaux pluviales avec des bassins de rétention, et l'adoption de règles d’urbanisme. Ensemble, ces stratégies offrent une approche équilibrée pour une résilience durable face aux inondations.
Q2. Quelles leçons d’ingénierie clés ont été tirées pour la résilience des infrastructures dans les zones sujettes aux inondations, et quels changements de conception pourraient aider ?
Bonakdari : Les infrastructures doivent être adaptables et robustes pour construire une résilience face aux inondations dans les régions touchées par le climat. Les principales leçons tirées de Valence comprennent:
- Amélioration de la capacité de drainage : moderniser les systèmes de drainage avec des tuyaux plus grands, des bassins de rétention et des surfaces perméables pour gérer des niveaux de précipitations accrus.
- Combinaison d'infrastructures vertes et grises : combiner des solutions vertes (comme les jardins de pluie et les zones humides) avec des infrastructures grises pour améliorer l'absorption de l'eau et réduire le ruissellement.
- Protection des infrastructures critiques : élever et protéger les services essentiels (énergie, transport, eau) pour garantir leur fonctionnement pendant les inondations.
- Planification urbaine flexible : imposer des restrictions de zonage dans les zones à haut risque et créer des zones d'inondation pour limiter l'exposition aux risques d'inondation.
- Renforcement des codes de construction : des codes mis à jour exigeant des matériaux et des techniques de construction résistants aux inondations.
- Systèmes d’alerte précoce : des réseaux de surveillance en temps réel et d'alerte précoce permettent des réponses proactives pour réduire les dégâts matériels et protéger les vies.
- Systèmes d'infrastructures redondants : redondance dans les systèmes d'énergie, d'eau et de transport pour assurer les services essentiels.
La résilience nécessite une approche multifacette, combinant ingénierie, planification adaptative et solutions basées sur la nature.
Q3. Quels sont les impacts environnementaux potentiels à long terme, tels que l'érosion des sols et la perte d'habitat, et comment peuvent-ils être atténués ?
Bonakdari : Chaque événement d'inondation entraîne des impacts environnementaux à long terme, comme l'érosion des sols et leur dégradation, la perte d'habitat et la perturbation des écosystèmes, la dégradation de la qualité de l'eau, des modifications hydrologiques, et des impacts sur les écosystèmes côtiers. Pour contrer ces effets, des stratégies d'atténuation peuvent être mises en œuvre, comme le reboisement, les bandes tampons, les pratiques de conservation des sols et les bassins de rétention pour stabiliser le sol et réduire l'érosion ; la restauration des habitats avec de la végétation indigène ; l'établissement de zones tampons riveraines, et des pratiques agricoles durables.
Q4. Comment les décideurs et les ingénieurs peuvent-ils collaborer pour soutenir la récupération et renforcer la résilience des communautés face aux futures inondations ?
Bonakdari : Dans des régions comme le Canada, où la variabilité climatique et les événements météorologiques extrêmes augmentent, la collaboration entre décideurs et ingénieurs est essentielle pour une reprise efficace et une résilience à long terme. Les décideurs et ingénieurs peuvent établir des politiques basées sur des données, sécuriser des financements pour des infrastructures vertes et grises, concevoir des solutions pour optimiser la rétention d'eau, et mettre en place des programmes de sensibilisation communautaire et de préparation aux inondations. Une planification de l'utilisation des terres résiliente réduit l'exposition aux inondations, tandis que des évaluations post-inondation permettent d'apprendre des événements passés pour améliorer les normes et les infrastructures.
Q5. Comment ces inondations sont-elles liées au changement climatique et fournissent-elles des informations sur les futurs impacts des événements météorologiques extrêmes à l’échelle mondiale, y compris au Canada ?
Bonakdari : Les inondations d’octobre 2024 à Valence illustrent l’impact croissant du changement climatique sur les événements météorologiques extrêmes, soulignant la tendance mondiale vers des inondations plus fréquentes et plus intenses à mesure que les températures de surface de la mer (SST) augmentent. Des SST plus chaudes dans l’Atlantique Nord ont accru l’humidité atmosphérique, entraînant des précipitations sans précédent alors qu’un système de basse pression chargé d’humidité est resté stationnaire sur la région. Le Canada fait face à des risques similaires, avec des SST côtières dans le Pacifique et l’Atlantique qui contribuent à une humidité accrue et à des tempêtes plus intenses. Les tendances climatiques au Canada, y compris l’augmentation des précipitations, des vagues de chaleur et la fréquence des incendies de forêt, reflètent les changements globaux observés à Valence.
Les leçons clés pour le Canada incluent le renforcement de la résilience des infrastructures en modernisant les systèmes de drainage, en intégrant des infrastructures vertes et en améliorant les capacités de réponse d’urgence pour gérer des volumes de ruissellement plus élevés. Le développement de systèmes d’alerte précoce utilisant des données en temps réel issues de la surveillance par satellite peut améliorer la préparation, tandis que des pratiques d’utilisation durable des terres, telles que des restrictions de zonage dans les zones à haut risque, peuvent atténuer les impacts des inondations. Les inondations de Valence offrent des perspectives pour le Canada sur l’adaptation de la planification urbaine en intégrant des espaces verts et des zones tampons, en renforçant la résilience des écosystèmes par le reboisement et la restauration des zones humides, et en investissant dans des infrastructures adaptatives pour s’adapter à ces changements climatiques. L’événement de Valence souligne ainsi l’importance de la collaboration mondiale, de l’adaptation proactive et de la résilience des infrastructures pour relever le défi croissant des phénomènes météorologiques extrêmes induits par le climat.