L’IA génère du texte, des images et… des gaz à effet de serre?

Technologies de l’information
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ITNB TI image pour bibliothèque
Par : Mish Boutet — Bibliothécaire spécialisé en compétence numérique


En tant que bibliothécaire spécialisé en compétence numérique de la bibliothèque de l’Université d’Ottawa, mon rôle consiste de plus en plus à développer la littéracie en IA des étudiants, c’est-à-dire leurs connaissances sur l’IA et leurs aptitudes à l’utiliser. Dans le cadre de la littéracie en IA, un domaine de connaissance que je considère comme particulièrement important est l’impact environnemental de l’IA.

À quelle fréquence pensez-vous à l’impact de l’IA sur l’environnement lorsque vous répondez à une question ou créez une image? À moins que vous ne soyez déjà très attentif aux questions environnementales, ce n’est probablement pas très fréquent. C’est délicat parce que l’impact est imperceptible en apparence. Lorsque nous utilisons l’IA, nous ne voyons pas de fumée, pas de déchets, pas de décompte de wattheures. Les réponses de l’IA apparaissent sur nos écrans comme par magie.

Mais l’IA n’est pas de la magie. La technologie qui la compose nécessite de l’énergie réelle qui a des répercussions sur notre environnement. Il apparaît que les besoins en énergie pour former et faire fonctionner l’IA sont énormes, sans parler de l’eau nécessaire pour refroidir les centres de données et des minéraux pour fabriquer la technologie dans ces centres de données.

Pour donner quelques points de repère, le chercheur Alex de Vries estime que les recherches Google améliorées par l’IA consomment dix fois plus d’énergie que les recherches Google traditionnelles. Le MIT Technology Review révèle quant à lui que la génération d’une image à l’aide de l’IA consomme autant d’énergie que la recharge d’un téléphone. Avec des centaines de millions de personnes qui utilisent l’IA et des milliards de recherches Google effectuées chaque jour, ces nouvelles consommations d’énergie prennent rapidement de l’ampleur.

Par ailleurs, la capacité du secteur technologique à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre a déjà été affectée. Le rapport environnemental de 2024 de Google révèle que les émissions de l’entreprise ont augmenté de près de 50 % depuis 2019. Le rapport de 2024 de Microsoft sur le développement durable révèle également que ses émissions Scope 1-3 ont augmenté de près de 30 % depuis 2020.

Le PDG d’OpenAI, Sam Altman, estime qu’il faut davantage d’énergie pour alimenter l’IA. Pour ce faire, il envisage la fusion nucléaire, une forme d’énergie qui n’est pas encore viable. Parallèlement, Bloomberg Law rapporte que la fermeture de dizaines de centrales à charbon aux États-Unis est retardée pour faire face à l’augmentation de la demande.

Bill Gates affirme que l’IA apportera de puissantes solutions au problème du climat. Peut-être, mais dans combien de temps pouvons-nous nous attendre à ce qu’elle soit prête? Nous sommes déjà au cœur d’une crise climatique. À quel point pouvons-nous nous enfoncer dans la dette climatique en attendant que l’IA vienne à notre rescousse?

Alors, que faire? Idéalement, nous devrions accorder la priorité à l’environnement et le protéger d’une demande énergétique incontrôlée. Une réglementation stricte est nécessaire. Nous devrions également agir plus rapidement et plus efficacement. En attendant des solutions d’envergure, j’aborderai ce sujet dans mon enseignement sur l’IA. Je parlerai de ce qui précède pour faire connaître les impacts. Je suggérerai aux élèves de ralentir lorsqu’ils utiliseront l’IA. S’ils prévoient de générer du texte ou des images, je leur suggérerai de prendre le temps d’imaginer le résultat souhaité et de rédiger un message détaillé. Avec un peu de chance, ils obtiendront ainsi ce dont ils ont besoin en réduisant le nombre de tentatives. Je suggérerai également aux étudiants de faire preuve de retenue. Pour une tâche donnée, il convient de se demander si l’IA est nécessaire. S’agit-il de l’outil le plus approprié pour cette tâche? Et s’il s’agit simplement d’économiser du temps, le temps économisé justifie-t-il le temps qui sera peut-être soustrait à notre avenir? L’impact de ces messages est sans doute négligeable, je le sais. Mais tant que nous ne serons pas sortis de cette crise climatique — ce qui ne sera le cas pour aucun d’entre nous —, comment puis-je faire autrement?