Mentorat et représentation : deux femmes en sciences parlent du sentiment d’appartenance

Par Université d'Ottawa

Cabinet du vice-recteur à la recherche et à l'innovation, CVRRI

Recherche
Recherche et innovation
Équité, diversité et inclusion
Faculté des sciences
Faculté de médecine
Société
Women-Girls-Science-1920x1080.png
Alicia Sit, à gauche, et Ewurabena Simpson, à droite.
Lorsque la professeure Ewurabena Simpson était encore étudiante en médecine, un directeur et une directrice de recherche lui ont fait remarquer qu’elle était très réservée. « Croyez-vous que c’est parce que vous êtes la seule femme du groupe? » lui a demandé le premier. « Vous devriez peut-être vous orienter vers un domaine moins stressant », a suggéré la seconde. Elle se rappelle s’être demandé : « Qu’y a-t-il de mal à être discrète? »

« Je suis une introvertie. Je m’exprime quand c’est nécessaire. La plupart du temps, je reste en retrait et j’absorbe l’information », explique celle qui enseigne aujourd’hui au Département de pédiatrie, à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. « Comme je parle peu, j’arrive plus facilement à établir le contact ou à percevoir des choses que les autres ne remarquent pas. J’ai été étonnée que ces deux-là y voient un signe d’incapacité ou pensent que le fait d’être une femme pouvait constituer une barrière. »

Entre autres injustices, les femmes en STIM doivent vaincre les stéréotypes et les préjugés, explique-t-elle. « Ça peut être très difficile si on est la seule femme du groupe ou si on n’a personne pour nous épauler, mais j’ai eu la chance d’être bien entourée. Mes parents travaillent en sciences des produits alimentaires : ce sont mes meilleurs soutiens, et j’ai aussi beaucoup appris de mes amies et amis, de mes camarades de classe et de mes collègues. Le mentorat change vraiment la donne. »

Ewurabena Simpson, toute petite, utilise un stéthoscope sur son ours en peluche et sa petite sœur.
Ewurabena Simpson a reçu un stéthoscope de son oncle au Ghana quand elle avait trois ans. « Déjà, toute petite, je savais que je voulais faire médecine parce que j’aimais les sciences et les gens, et ça n’a pas changé depuis. »

Aujourd’hui, Ewurabena Simpson est hémato-oncologiste pédiatrique spécialisée en hématologie et hémoglobinopathies. Elle est responsable du programme de prise en charge de la drépanocytose au CHEO depuis 2018 et membre du conseil d’administration de la Black Physicians Association of Ontario depuis 2017. Depuis le tout début de ses études en 2001, elle mentore des jeunes de la communauté noire qui souhaitent faire carrière en médecine. Elle est également doyenne adjointe au Bureau d’équité, de diversité et d’inclusion de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa.

« Pendant mes études en médecine, et même avant cela, ce sont surtout des hommes qui m’ont enseigné, et aucun n’était noir. À cause de cette absence de modèles, j’avais du mal à trouver ma place. La représentation, ça compte. C’est notamment ainsi qu’on peut améliorer la condition des femmes et des membres des groupes racisés au sein des STIM. »

Ce manque de représentation en milieu scolaire est l’une des raisons qui l’a motivée à devenir mentore. « J’encourage les jeunes femmes et les membres de la communauté noire à trouver des gens pour les épauler dès le départ. Si quelqu’un travaille sur un sujet qui nous intéresse, il ne faut surtout pas hésiter à l’aborder! Bien des gens sont ouverts à ces échanges, c’est surprenant. Et puis, le pire qui puisse arriver, c’est que la personne en question n’ait pas le temps de discuter. Par contre, elle pourrait vous mettre en contact avec quelqu’un d’autre. J’ai écrit des courriels spontanés qui ont débouché sur des stages d’été. On ne sait jamais ce qui peut arriver. »

Alicia Sit et son superviseur, le professeur Ebrahim Karimi, devant un poste de travail sur la photonique.
« L’optique, c’est comme des Lego pour adultes, avance Alicia Sit. Je travaille avec des lasers, des cristaux et toutes sortes d’appareils fascinants. J’assemble mes propres systèmes à partir de rien. J’adore créer et découvrir de nouvelles choses. »

Étudiante de quatrième année au doctorat, Alicia Sit attribue en grande partie sa réussite en physique aux personnes qui ont su la guider. Parmi ses nombreux projets, elle fait partie du groupe de recherche Structured Quantum Optics à l’Université d’Ottawa, dirigé par le professeur Ebrahim Karimi, qui a pour objectif de créer un réseau de communication quantique à l’échelle de la ville. Elle a fait son entrée dans le milieu scientifique grâce à la Bourse de recherche de premier cycle de la Faculté des sciences. C’était en 2012 : elle sortait tout juste de l’école secondaire, et depuis, elle n’a plus jamais quitté le domaine de la recherche.

« Une étudiante au doctorat avec qui je travaillais alors, Brandi West, a été pour moi une mentore et une source d’inspiration, affirme la jeune femme. Elle m’a montré le b.a.-ba de la recherche, m’a fait découvrir l’univers des colloques et m’a appris à interagir avec les gens. À mes débuts, je me référais constamment à ce qu’elle aurait fait. C’est elle qui m’a décidée à rester dans le milieu de la recherche. »

Alicia Sit se considère chanceuse d’avoir reçu autant de soutien pendant ses études, ce qui ne l’empêche toutefois pas de remarquer « ces petits détails » qui font en sorte que le milieu des sciences est moins accueillant pour les femmes.

« Ce sentiment de ne pas être entendue, par exemple, et d’avoir à se répéter pour faire valoir ses idées. Ou cette prise de conscience qu’on est la seule femme dans la pièce. Pendant les colloques, il arrivait souvent qu’on m’ignore complètement pour s’adresser à la personne juste à côté de moi », explique-t-elle. « J’ai aussi fait partie d’un groupe de recherche où j’étais la seule femme. Il y régnait une ambiance vestiaire, avec des blagues salaces et des soirées bien arrosées. Je voulais m’intégrer, alors j’ai tenté dans une certaine mesure d’imiter ces comportements. »

La chercheuse affirme qu’il lui a fallu un certain temps pour prendre confiance en elle et arriver à un stade de sa carrière où elle n’a pas peur de poser des questions, de demander de l’aide et d’exprimer ses opinions. Elle espère pouvoir donner « à la suivante » en accompagnant d’autres femmes et jeunes filles qui s’intéressent à la physique.

Son conseil? « Je dirais aux jeunes femmes qui souhaitent faire carrière dans les STIM de persévérer. Il y aura des moments difficiles où vous douterez de vous, où vous vous demanderez si vous êtes à votre place. Mais si vous aimez ce que vous faites, trouvez des gens qui vous épauleront et ne vous fermez à aucune possibilité. »

Plus de récits inspirants sur l’équité, la diversité et l’inclusion en recherche