FRA 6755 : Réécriture de l’histoire et inscription de la mémoire dans le roman postcolonial
Mardi, 16h à 19h / Présentiel
Professeur : Kasereka Kavwahirehi
Les écrivains francophones contemporains éprouvent un malaise par rapport à l’h(H)istoire ancienne et récente de leur communauté souvent écrite par le dominant. Ce malaise les amène à s’investir dans les domaines sensibles de la mémoire collective en vue de retisser les fils rompus et de réécrire l’histoire. Pour Glissant, par exemple, la mémoire historique ayant été « trop souvent raturée », l’écrivain antillais doit ‘fouiller’ cette mémoire à partir de traces parfois latentes qu’il a repérées dans le réel » (Discours antillais, 227-228). La réécriture de l’histoire et la quête de la mémoire sont ainsi au cœur des œuvres de Maryse Condé, Patrick Chamoiseau, Raphael Confiant, etc. La même tendance se retrouve chez les auteurs africains qui considèrent que « les écrivains sont les comptables de la douleur nationale, dans tous les pays du monde. Ce sont les guerres et les grandes tragédies humaines qui font la richesse de la littérature » (Tierno Monenembo). Pour ces romanciers africains ayant grandi à l’époque du désenchantement face au néocolonialisme et face aux dérives dictatoriales des États indépendants, l’héritage des blessures anciennes de l’histoire vient s’ajouter aux nouvelles blessures de « l’histoire immédiate » dont ils sont les acteurs et, bien souvent, les victimes directes. Pour eux aussi, la réécriture de l’histoire et le réaménagement de la mémoire perdue ou falsifiée est indispensable pour éviter les effets pernicieux de l’oubli ou de l’occultation du passé douloureux dans la situation présente.
Le séminaire interrogera la réécriture de l’histoire et l’inscription de la mémoire des violences historiques subies dans les fictions romanesques des écrivains africains et antillais. Il s’agira d’examiner : 1) les stratégies littéraires utilisées pour faire émerger le passé raturé ou occulté et les modalités de l’inscription des blessures et violences de l’Histoire dans les œuvres ; 2) les liens que les romans tissent entre l’histoire, la mémoire des événements douloureux et l’oubli; 3) La contribution des fictions à l’édification des lieux de mémoire. A la fin, on se demandera si la réécriture de l’histoire et le réaménagement de la mémoire dans les romans étudiés produisent une « mémoire heureuse » (Ricoeur), libérée du ressentiment et prête à être investie dans « la conquête d’une nouvelle et plus large fraternité » (Aimé Césaire).
Corpus
Chamoiseau, Patrick, Solibo magnifique, Paris, Gallimard, 1988.
Condé, Maryse, Desirada, Robert Laffont, 1997.
Lopes, Henri, Dossier classé, Paris, Seuil, 2002.
Monenembo, Tierno, Pelourinho, Paris, Seuil, 1998.