Les chercheurs ont également constaté que les bébés nés de personnes qui s’étaient rendues à l’Urgence ou qui avaient été hospitalisées en raison de la consommation de cannabis durant leur grossesse avaient un risque très accru de résultats indésirables graves, comme un faible poids à la naissance, une naissance prématurée et une hospitalisation à l’Unité de soins intensifs néonataux (USIN).
« S’il est vrai que de tels événements – mettant en évidence les graves méfaits de la consommation de cannabis – sont heureusement rares, nous sommes quand même préoccupés par le fait qu’ils puissent traduire une augmentation beaucoup plus importante et généralisée de la consommation de cannabis chez des femmes enceintes depuis sa légalisation », dit le Dr Daniel Myran, auteur principal et postdoctorant à l’ICES, ainsi que médecin de famille et chercheur à l’Institut de recherche Élizabeth-Bruyère et à L’Hôpital d’Ottawa.
Parue dans le JAMC, cette étude contenait des données sur 980 398 grossesses concernant 691 242 femmes, recueillies entre janvier 2015 et juin 2021 en Ontario, au Canada. Sur la population visée par l’étude, 533 femmes enceintes avaient eu une ou plusieurs grossesses nécessitant une prise en charge de courte durée (visite à l’Urgence ou hospitalisation) liée à la consommation de cannabis, la majorité (72 %) étant des visites à l’Urgence. Les raisons les plus fréquentes comprenaient notamment la consommation nocive de cannabis (58 %), la dépendance au cannabis ou son sevrage (22 %), et l’intoxication au cannabis (13 %).
Les chercheurs ont aussi conclu en l’existence d’un lien important entre le traitement des nausées et vomissements sévères et celui contre la consommation de cannabis durant la grossesse, et ils ont remarqué que ce lien était encore plus évident depuis la légalisation du cannabis.
« Des nausées et vomissements sévères (ou hyperemesis gravidarum) sont chose fréquente chez les personnes qui reçoivent des soins de courte durée en raison de la consommation de cannabis durant leur grossesse », dit la Dre Andrea Simpson, auteure principale, chercheuse associée à l’ICES, obstétricienne et chirurgienne en gynécologie minimalement effractive à l’Hôpital St. Michael, une antenne d’Unity Health Toronto. « Bien que nous ne puissions pas affirmer avec certitude que ces vomissements étaient le résultat de la consommation de cannabis, ou de la consommation de cannabis pour soigner des nausées matinales, de telles constatations sont préoccupantes dans le sens où de plus en plus de femmes enceintes considèrent, depuis la légalisation du cannabis, que sa consommation est moins risquée pendant la grossesse ».
Voici ce que les données ont montré :
- La légalisation est associée à une augmentation progressive des visites pour des soins de courte durée en raison de la consommation de cannabis durant la grossesse, ce qui correspond au nombre accru de visites à l’Urgence pour la même raison au sein de la population générale.
- Au cours de la même période, aucune augmentation n’a été constatée dans les soins de courte durée pour la consommation d’autres types de substances (p. ex. alcool ou opioïdes) durant la grossesse. Une baisse a été certes constatée dans les soins de courte durée prodigués pour des problèmes de santé mentale comme un état dépressif et anxieux durant la grossesse.
- Comparativement aux femmes enceintes faisant partie de la population générale, celles se rendant à l’Urgence ou hospitalisées en raison de la consommation de cannabis étaient plus jeunes (24 ans au lieu de 30 ans) et davantage susceptibles de vivre dans un quartier où les revenus sont les plus bas (40 % par rapport à 22 %) et en milieu rural (17 % au lieu de 9 %).
- 32 % des bébés nés de femmes ayant été traitées en raison de la consommation de cannabis pendant leur grossesse ont séjourné à l’ISUN; 12 % se trouvaient au 5e percentile du plus faible poids de naissance, et 17 % étaient nés avant terme, avant 37 semaines de gestation. Après avoir ajusté les principales différences entre les groupes, il a été constaté que les grossesses nécessitant des soins de courte durée en raison de la consommation de cannabis figuraient encore parmi celles susceptibles d’avoir ces résultats graves comparativement aux grossesses sans consommation de cannabis.
Comme il s’agit d’une étude observationnelle, il est impossible d’établir un lien de cause à effet. Les chercheurs mettent de l’avant le fait que d’autres facteurs pourraient contribuer au risque accru de résultats indésirables chez les nouveau-nés visés par l’étude. Néanmoins, ils disent que leurs conclusions ne font que corroborer la preuve de la nocivité de la consommation de cannabis durant la grossesse, et que les femmes qui consomment de grandes quantités de cannabis pourraient bénéficier de soins obstétricaux pour les personnes à haut risque.
« Il y a un besoin criant de faire d’autres interventions visant à réduire la consommation de cannabis durant la grossesse, notamment en sensibilisant davantage à la nocivité de sa consommation et en faisant le dépistage du cannabis, affirme le Dr Myran. Selon nos conclusions, plusieurs groupes de personnes à risque élevé, dont les personnes ayant des nausées et vomissements graves, pourraient profiter de conseils et d’un dépistage supplémentaires sans la moindre stigmatisation ».
L’étude intitulée « Acute care due to cannabis during pregnancy after the legalization of non-medical cannabis in Ontario: a population-based, repeated cross-sectional study » est parue dans le JAMC. Auteurs: Myran DT, Roberts R, Pugliese M, Corsi D, Walker M, El-Chaâr D, Tanuseputro P, Simpson A.
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