La capacité de disparaître fascine l’humanité depuis toujours, et les militaires y ont souvent recours en zone de guerre, où les forces armées appliquent diverses techniques de camouflage pour cacher à l’ennemi leur personnel et leur équipement. En pratique, il s’agit d’utiliser différents matériaux et différentes couleurs dans la fabrication d’uniformes et d’équipements de toutes sortes – véhicules blindés, navires, avions, pièces d’artillerie, armes à feu – pour les dissimuler (crypsis) ou les faire passer pour autre chose (mimétisme).
Avec la technologie moderne, cependant, il ne suffit plus de se cacher dans le spectre du visible pour ne pas être vu. Comme le corps humain produit de la chaleur, les caméras infrarouges peuvent détecter des soldates et soldats sans difficulté, même la nuit.
En partenariat avec le ministère de la Défense nationale (MDN), la professeure Adina Luican-Mayer s’est attaquée à ce problème dans le cadre du programme Innovation pour la défense, l’excellence et la sécurité (IDEeS) afin de mettre au point une technologie ultramoderne unique de camouflage thermique adaptatif basée sur le graphène multicouche. Son équipe a utilisé des feuilles ultraminces (100 couches d’atomes) de graphène, un matériau dont on peut contrôler les propriétés optoélectroniques en modifiant le nombre d’électrons ou en appliquant un stimulus externe, comme un champ électrique. Elle a produit des prototypes novateurs permettant de contrôler l’émissivité thermique d’une feuille de graphène simplement en appliquant une tension entre celle-ci et une électrode, séparées par une membrane contenant un liquide ionique. Le champ électrique ainsi créé déplace les ions de la membrane entre les couches de graphène et en modifie les propriétés optiques ou le type de rayonnement infrarouge émis, phénomène qui permet de camoufler des objets à l’objectif de caméras infrarouges.
Le groupe de recherche a appliqué ces nouvelles feuilles de graphène multicouche sur des surfaces rigides, mais aussi sur des matériaux flexibles et même sur des tissus. C’est une technologie qui pourrait contribuer à sauver la vie de soldates et soldats des Forces armées canadiennes en mission internationale dans des zones de guerre.
Le partenariat de recherche ouvre également la porte au développement de nouvelles technologies textiles à des fins de sécurité nationale. Des membres de l’équipe de la professeure Luican-Mayer travaillent sur ce projet, notamment la stagiaire postdoctorale Saher Hamid de même que Tyler Dacosta, Kai Kang et Antoine Labbé, qui étudient au premier cycle.