Au cours des sept dernières années, la Clinique sur les droits de la personne (Clinique) du Centre de recherche et d’enseignement sur les droits de la personne (CREDP) de l’Université d’Ottawa a établi avec discrétion et constance sa réputation en tant que partenaire solide et inestimable pour les organisations non gouvernementales (ONG), les bureaux gouvernementaux et les acteurs internationaux qui cherchent du soutien afin de faire avancer leurs projets en matière de droits de la personne (DP) au Canada et à travers le monde.
Une clinique pour faire avancer les droits de la personne
« Mon objectif et mon mandat étaient d’apporter une orientation pratique pour contribuer à faire évoluer une nouvelle génération de jeunes qui ont soif de développer ces compétences et ces connaissances. En d’autres termes, il s’agissait de développer un cadre dans lequel former des étudiants qui veulent faire la différence et non seulement étudier et découvrir le monde, mais aussi être en mesure de s’impliquer dans le monde et de l’influencer. », explique John Packer, professeur de droit et directeur du CREDP.
La Clinique est née de la vision de M. Packer en 2014, l’année même où il a pris la barre du CREDP. Cette dernière a été créée avec quelques étudiants diplômés et professeurs dans le but d’offrir une expérience de travail pratique aux étudiants dans le domaine des droits de la personne. Elle a été conçue sur le modèle d’une clinique similaire que M. Packer avait lancée précédemment (en 2007) à l’Université d’Essex.
M. Packer n’hésite pas à évoquer la métaphore de la conduite d’une bicyclette pour décrire la mission de la Clinique pour les droits de la personne : « Je peux vous expliquer ce qu’est une bicyclette et vous pouvez lire un livre à ce sujet... Par contre, la seule façon d’apprendre à faire de la bicyclette, c’est d’en faire! Cela est nécessaire pour développer le sens de l’équilibre, prendre de la vitesse, choisir la direction et développer votre confiance afin d’être de plus en plus en mesure de naviguer sur les routes. », explique l’homme natif de Winnipeg.
En tant que directeur de la Clinique, Salvador Herencia Carrasco, professeur auxiliaire de droit et avocat spécialisé dans les droits de la personne, a encadré le développement des activités de la Clinique depuis le premier jour. « La Clinique sur les droits de la personne de l’Université d’Ottawa a été créée pour que l’éducation de niveau mondial que reçoivent nos étudiants puisse être mise à profit afin d’aider des victimes ou de faire progresser les droits de la personne dans différents contextes et divers lieux. », dit-il.
Une clinique à part entière
La Clinique se distingue par le fait que les étudiants ont l’occasion unique de participer (à titre bénévole ou dans le cadre d’un cours crédité) à des projets réels de protection et de défense des DP dans le monde entier, ce qui leur permet d’avoir un impact réel sur les DP. Ces occasions comprennent ce qui suit :
- recherche et analyse
- rédaction de dossiers d’amis de la cour (éléments destinés à éclairer le raisonnement de la cour) sur des questions urgentes en matière de droits de la personne
- préparation de rapports importants sur des situations de DP, et
- enquête, revendication et défense des DP
pour les partenaires du CREDP comme les Rapporteurs spéciaux des Nations unies, les ONG comme Scholars at Risk (SAR, Chercheurs à risque), les gouvernements ou les instances judiciaires comme les cours suprêmes nationales.
« Ce qui différencie également la Clinique, c’est que nous l’avons conçue à titre de clinique des droits de la personne et non de clinique juridique des droits de la personne. Cela signifie que les étudiants de toutes les facultés peuvent postuler pour la Clinique », explique M. Herencia Carrasco.
La nature conceptuelle et appliquée de ses activités en matière de DP est multidimensionnelle et couvre des domaines allant au-delà du droit, notamment la communication, la recherche en sciences sociales, l’analyse juridique et le développement normatif. Ainsi, la Clinique peut jumeler des étudiants ayant des expériences universitaires différentes avec des partenaires du CREDP proposant des projets qui correspondent à leur champ d’intérêt et à leurs connaissances.
Selon M. Herencia Carrasco, l’approche par projet de la Clinique, qui a été développée avec des partenaires, permet aux étudiants d’acquérir une expérience unique. « Ils peuvent interagir dans un environnement professionnel et remplir un mandat qui a été négocié avec des partenaires externes. Ils peuvent également avoir un aperçu de la pression et des responsabilités qui accompagnent le travail dans le domaine professionnel des DP. », dit-il.
Susciter l’engouement des élèves pour les droits de la personne
L’approche pratique et polyvalente de la Clinique est précisément ce qui a attiré Emilie Di Grazia à la Clinique. Mme Di Grazia, qui est maintenant agente en DP pour l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, était active à la Clinique alors qu’elle effectuait une majeure en sciences politiques à l’Université d’Ottawa. Pendant son séjour à la Clinique, elle a participé à la mise en place de la Base de données sur les droits internationaux de la personne et le Canada (IHRCanadaDb), un projet conjoint avec l’ONG Human Rights Internet (L’Internet des droits de la personne) coordonné par l’avocate Janine Lespérance ayant pour but de suivre les engagements et obligations du Canada en matière de DP.
Pour Caitlin Wardrop, présentement étudiante en développement international et en droit, la Clinique a été l’occasion d’appliquer ses connaissances académiques à des projets comme le Manuel de normes internationales pour lutter contre les crimes de violence sexuelle pour l’ONG Avocats sans frontières Canada. La réalisation d’un projet sur les tribunaux militaires au Mali lui a également permis d’affiner ses compétences en matière de recherche.
« J’ai eu l’impression que c’était une version “formation” de ce que serait le travail de chercheur ou de consultant, et ce fut gratifiant de savoir que mon travail allait aider les praticiens à appliquer et à promouvoir les droits de la personne au niveau international. », dit-elle à propos de son expérience à la Clinique.
Mary Kapron est fière d’avoir travaillé sur certains projets, notamment le projet Entreprises et droits de la personne en Amérique latine, qui ont permis de présenter des dossiers d’amis de la cour ayant un impact tangible sur la promotion et la protection des droits de la personne à la Commission interaméricaine des droits de l’homme, à la Cour interaméricaine des droits de l’homme et à la Cour suprême du Mexique.
Aider, une raison d’être
« Le travail pour les DP consiste essentiellement à aider et à apprendre comment aider... et ce n’est pas la même chose que de connaître la loi ou l’explication de la cause du problème. », explique M. Packer. Un exemple éloquent est un rapport réalisé pour la Commission canadienne des droits de la personne sur des problèmes de fond en matière d’inégalité, qui nécessitait davantage de connaissances sur la pauvreté et les personnes âgées que sur la loi existante.
Selon lui, la valeur du travail et de l’approche de la Clinique réside dans le fait qu’elle aide les étudiants à comprendre la façon dont différentes choses sont liées et leur permet de se faire une idée de ce qu’est le travail pour les DP. Pour lui, une telle valeur ajoutée éducative n’est possible qu’en travaillant sur des questions concrètes et avec d’autres personnes, ce qu’il met en parallèle avec le fait de faire du vélo.
Alors que le CREDP célèbre son 40e anniversaire (1981-2021), il peut se targuer d’avoir formé (et de continuer de le faire), par l’entremise de la Clinique, quelque 200 étudiants issus de divers milieux universitaires à titre de praticiens des DP ces dernières années. « Alors que la Clinique a six ou sept ans d’existence, beaucoup de gens ont déjà des carrières assez impressionnantes. », mentionne M. Packer.
Un aimant pour les jeunes
Dès sa création, la Clinique a eu du succès auprès des étudiants. « Le premier appel de candidatures a permis d’attirer plus de cent étudiants, une foule plus nombreuse que celle qu’il était possible d’accueillir dans la salle de réunion du Centre! », explique M. Packer. La Clinique recrute désormais des étudiants bisannuellement par le biais d’une journée portes ouvertes et de recommandations de plusieurs professeurs.
« C’est merveilleux pour les étudiants de collaborer avec les Rapporteurs spéciaux des Nations unies ou avec les collaborateurs majeurs d’autres entités importantes. Ceci permet à la clinique d’obtenir une reconnaissance officielle et les étudiants peuvent citer ces expériences parmi leurs réalisations. », déclare M. Packer. Les compétences pratiques que les étudiants acquièrent à la Clinique leur offrent également de meilleures possibilités d’emploi, car les employeurs recherchent ce type de formation et d’expérience.
Des partenariats florissants
« Nos partenaires sont des entités du monde réel pleinement engagées qui ont des besoins réels à satisfaire, et non des cas fictifs. », déclare M. Packer.
Jesse Levine, avocat principal du réseau international de défense des droits Scholars at Risk, considère que le partenariat avec la clinique du CREDP est très productif. « Ils ont joué un rôle de premier plan dans la rédaction de dossiers d’amis de la cour dans des affaires sur le continent américain, notamment pour le cas de dénonciation de Monica Godoy, dans lequel un professeur de l’Université de Colombie avait été licencié pour avoir dénoncé un schéma de harcèlement sexuel. », explique-t-il. M. Levine attribue à la Clinique le mérite d’avoir contribué à gagner cette affaire de violation de la liberté universitaire de l’érudit devant la Cour constitutionnelle de Colombie. L’affaire est désormais considérée comme une référence régionale. L’équipe travaille également à l’établissement de normes internationales au sein du système interaméricain des droits de l’homme en matière de liberté universitaire dans le cadre d’un partenariat avec SAR et l’Université de Monterrey (Mexique) financé par les Open Society Foundations (Fondations pour une société ouverte).
Le cœur du partenariat entre la Clinique et la Due Process of Law Foundation (DPLF, Fondation pour un traitement équitable), une ONG basée à Washington dont le mandat est de renforcer l’État du droit et la démocratie en Amérique latine grâce à la mise en œuvre de normes en matière de DP, a été la soumission de dossiers d’amis de la cour relatifs aux droits des peuples indigènes aux tribunaux nationaux et à la Cour interaméricaine des droits de l’homme. « La Clinique est un partenaire clé de mon organisation depuis sept ans. », déclare Daniel Cerquiera, qui coordonne le programme relatif aux droits de l’homme et aux ressources naturelles de la DPLF. « Notre partenariat a permis d’apporter un soutien aux décisions juridiques de tribunaux locaux quant à l’arrêt de projets d’extraction, dont certains étaient menés par des entreprises canadiennes. »
Établir la réputation de la Clinique et du CREDP
Parmi les projets notables auxquels la Clinique a contribué et qui ont été cités, notons le travail effectué pour le Rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats concernant des questions mondiales majeures comme la corruption dans le système judiciaire et la participation des femmes dans le système judiciaire.
L’équipe de la Clinique se concentre sur la rédaction de textes destinés à l’Assemblée générale des Nations unies et au Conseil des droits de l’homme.
Assurance de la qualité
Pour assurer le contrôle de la qualité du travail qu’elle fournit à ses partenaires, la Clinique affecte des étudiants ou des boursiers de cycle supérieur à la coordination des projets.
Janine Lespérance, qui a assumé ce rôle au début des activités de la Clinique et a coordonné un projet de recherche sur les obstacles juridiques affectant les travailleurs plus âgés en milieu de travail pour la Commission canadienne des DP, est maintenant avocate et travaille dans le domaine de la surveillance correctionnelle au niveau fédéral.
Jordi Feo Valero, Ph. D., chercheur associé du CREDP et professeur de droit international et de droits de la personne à l’Université Oberta de Catalunya, est coordonnateur du projet sur l’indépendance des juges et des avocats. « En tant que coordonnateur, mon objectif a toujours été de faire en sorte que les étudiants se sentent pleinement intégrés dans l’équipe et qu’ils puissent vivre la meilleure expérience d’apprentissage possible grâce aux cas dans lesquels ils sont impliqués. », explique Jordi Feo Valero.
Les projets demeurent sous la supervision pédagogique d’un professeur, sous la gérance du directeur de la Clinique, Salvador Herencia Carrasco, et sous la responsabilité générale du directeur du CREDP, John Packer.
Le potentiel d’en faire davantage
« Malgré la nécessité d’un engagement clair de leur part, l’intérêt des étudiants ne manque pas et les causes à soutenir non plus. Nous pourrions d’ailleurs en faire plus si nous avions davantage de soutien. », suggère M. Packer.
Contrairement à la plupart des cliniques de DP américaines, qui disposent de professeurs et de personnel à plein temps, la Clinique des DP du Centre fonctionne avec un budget restreint et beaucoup de bonne volonté, ce qui limite le nombre de cas qu’elle peut gérer.
Le 40e anniversaire du CREDP est l’occasion de mettre en valeur le travail considérable accompli par la Clinique dans le cadre de la formation de praticiens des DP phares ainsi que son impact sur la communauté des DP dans son ensemble. Jusqu’à présent, le succès de la Clinique a été remarquable, comme en témoigne le nouveau Rapport 2014-2021 de la Clinique sur les droits de la personne.
Le directeur du CREDP, M. Packer, est convaincu que ce n’est que le début pour la Clinique et que beaucoup d’autres choses sont à venir!
« Toutes les personnes impliquées ont le sentiment que nous faisons la différence. », dit-il. Ce pionnier, érudit et praticien des droits de la personne est convaincu que le 40e anniversaire du Centre est l’occasion pour les nombreuses parties prenantes et les anciens élèves de soutenir la vision et la mission du Centre pour un avenir en tant qu’œuvre commune pour l’avancement des droits de la personne dans le monde.
— Karine Fossou