Quelle est la première chose qui vous vient à l'esprit quand vous entendez le mot « polymère »? Beaucoup répondront « le plastique ». Non sans raison.
Depuis son invention au début du XXe siècle, le plastique s'est incrusté dans tous les aspects de la vie moderne. Des poils de votre brosse à dents à vos pyjamas, en passant par votre téléphone intelligent, le plastique est omniprésent et essentiel à presque tous les moments de notre existence au XXIe siècle.
Voilà justement le problème : notre bien-être est devenu intimement lié aux polymères synthétiques, créés en bonne partie de pétrole, ressource non renouvelable dont les déchets causent de graves répercussions environnementales. Selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement, en 2013, plus de 299 millions de tonnes de plastique ont été produites dans le monde, causant plus de 13 milliards de dollars de dégâts environnementaux à nos écosystèmes marins. En plus, moins d'un dixième du plastique que nous utilisons (dans les voitures, les ordinateurs, l'emballage des aliments, les vêtements ou la peinture) est recyclé.
Y a-t-il un moyen de sortir du cercle vicieux que nous avons créé? « Certainement », insiste Marc Dubé, professeur et vice-doyen à la recherche de la Faculté de génie. « L'important, c'est de garder en tête que si les plastiques à base de pétrole sont des polymères, l'inverse n'est pas forcément vrai! »
Ainsi, la nature regorge de polymères naturels, qu'il s'agisse des polymères des nucléotides, qui forment notre ADN, ou des polymères des saccharides (polysaccharides), qui forment la cellulose des arbres et autres plantes vertes.
En quête d'une option plus écologique que les polymères à base de pétrole, M. Dubé a appliqué ses trois décennies d'expérience en génie chimique à la chimie verte pour tenter de créer des polymères utiles et durables à partir de déchets organiques. Des pelures d'agrumes aux déchets de bois en passant par l'huile de cuisson usée, le groupe de recherche sur le génie de réactions des polymères du professeur convertit les déchets de biomasse en une gamme d'options presque illimitée pour créer des polymères écologiques.
Tout le défi consiste à synthétiser de nouveaux polymères à partir de matières renouvelables et à concevoir des procédés de polymérisation durables qui soient hydrophiles (qui aiment l'eau). Les polymères à base de pétrole sont le plus souvent hydrophobes, ce qui explique en partie qu'ils ne se désagrègent que très lentement.
« Les principaux ingrédients sont des monomères renouvelables, comme le glycérol tiré de l'huile de cuisson, le limonène tiré des pelures d'agrumes et d'autres dérivés naturels qui remplacent les monomères à base de pétrole, explique M. Dubé, lauréat du prix G.-S.-Glinski pour l'excellence en recherche de la Faculté de génie en 2017. Je veux produire des polymères utiles plus efficaces en consommant moins d'énergie et éliminer les fuites de produits chimiques toxiques dans les dépotoirs. C'est une condition absolue pour un avenir plus vert. »
Le chercheur est dans une position idéale pour s'attaquer de façon systématique et holistique au défi du polymère durable, car il peut aborder la question à la fois de l'angle de la chimie et du génie.
« Il n'existe pas de méthode unique pour rendre plus écologique le procédé de polymérisation, soutient-il. Cette transformation nécessite la coordination de plusieurs étapes. »
Des gels hydrophiles utilisés dans les couches pour bébés aux bioadhésifs antibactériens utilisés en chirurgie en passant par les polymères « intelligents » qui réagissent aux signaux électriques, le groupe de recherche de Marc Dubé est à l'avant-garde de l'innovation dans le domaine des polymères durables au Canada et s'efforce de trouver des façons plus propres de créer un groupe de produits indispensable à nos vies.