« Ma mère était une survivante des pensionnats autochtones. Elle se méfiait beaucoup des écoles et n’a pas pu m’aider dans mes études », se souvient Heather Ochalski, étudiante à la maîtrise ès arts en éducation à l’Université d’Ottawa. « Ma mère m’a élevée en tant qu’Inuite unilingue, et j’ai grandi en terre inuite. Elle était préoccupée par ce que l’on m’enseignait à l’école et craignait que l’école ne me détourne de mes connaissances et de mes pratiques inuites. »
« Elle nous a tout de même dit qu’il était important de nous familiariser avec le monde occidental pour protéger nos connaissances et nos modes de vie. »
Heather Ochalski n’a pas terminé ses études secondaires à l’adolescence. Elle a obtenu son diplôme d’équivalence d’études secondaires à la mi-vingtaine et s’est inscrite plus tard à l’Université d’Ottawa comme étudiante adulte, où elle a obtenu un baccalauréat ès arts en psychologie. Son intérêt pour l’éducation remonte à l’époque où elle a commencé à travailler à la Stratégie nationale sur l’éducation des Inuits chez Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), un organisme national basé à Ottawa représentant les 65 000 Inuits du Canada, où elle est actuellement directrice adjointe du Département de l’avancement des politiques.
Heather explique que son parcours scolaire lui a permis de prendre conscience de la valeur des enseignements de sa mère et l’a incitée à vouloir faire reconnaître le savoir inuit dans les établissements d’enseignement. En effet, l’autodétermination des Inuits en éducation et en recherche a été un grand sujet de discussion à l’Atelier d’hiver pour les étudiants diplômés inuits qu’elle a animé récemment à l’Université. Organisé conjointement par l’ITK et le Centre de recherche sur les services éducatifs et communautaires (CRECS) de l’Université, cet atelier national a été le premier du genre à rassembler des étudiants diplômés inuits venus d’un peu partout au Canada et même du Royaume-Uni.
Pour Ruth Kane, directrice du CRECS, cet atelier a permis aux étudiants d’échanger avec leurs pairs et de déterminer de quelles façons ils pourraient être mieux soutenus dans leurs recherches.
L’un des grands objectifs est d’améliorer les résultats scolaires des Inuits, qui ont les taux de diplomation les plus bas au pays. Selon le recensement de 2016, 47 % des Inuits de 25 à 64 ans possèdent un diplôme d’études secondaires, un certificat ou un diplôme d’études postsecondaires ou un grade, contre 89 % des non-Inuits du même groupe d’âge.
Dans le cadre de sa stratégie nationale d’éducation, ITK a adopté en 2018 une résolution visant à créer une université inuite d’ici cinq ans. Son président, Natan Obed, a expliqué aux étudiants des cycles supérieurs qu’une telle université serait vitale pour l’autodétermination en éducation et en recherche, car elle offrirait des cours selon une perspective inuite, elle formerait du personnel enseignant inuit et elle procurerait aux étudiants les connaissances et les outils nécessaires pour influencer le déroulement des recherches dans l’Arctique.
« Nous avons modifié la carte du Canada en obtenant l’autonomie gouvernementale, a déclaré Natan Obed. Mais malgré tous les progrès réalisés, nous sommes toujours en quête d’équité dans les cercles universitaires. » La création d’un réseau d’étudiants diplômés inuits qui contribueront à encadrer la recherche inuite dans les années à venir est une étape importante vers la réduction de cette disparité.