« Les gens ont peur des changements climatiques, mais les conséquences de modifier le paysage sont pires. »
– Ousmane Seidou
L'une des premières choses que vous dira Ousmane Seidou sur les technologies vertes, c'est qu'elles englobent « tout ce qui peut mener à une gestion durable des ressources naturelles, par exemple contrôler la pollution, gérer efficacement nos rivières, utiliser durablement nos terres ».
« Dans le cas de la collecte des eaux pluviales, c'est aussi de la gestion durable parce qu'on peut avoir des récoltes malgré des pluies insuffisantes, explique le professeur de génie de l'Université d'Ottawa. L'hydrologie, c'est aussi la gestion des barrages pour l'hydroélectricité, qui est de l'électricité verte. C'est comment maximiser cette productivité sans détruire les écosystèmes. »
L'eau est au centre des recherches du professeur Seidou. « Ce qui m'intéresse, c'est la circulation de l'eau en général, partout. » Son objectif : utiliser l'eau pour nos besoins – pour boire, pour l'hydroélectricité, l'irrigation, etc. Or, puisque « la nature est plus puissante, le plus souvent on ne peut contrôler le débit de l'eau. C'est à nous de nous adapter. »
M. Seidou travaille sur cette adaptation au Canada et en Afrique – notamment dans son pays natal, le Niger – depuis près de 20 ans, dont les dix dernières à l'Université d'Ottawa. Il cherche des moyens de mieux gérer les ressources hydriques et d'assurer la sécurité alimentaire dans le contexte des changements climatiques. Pour son travail novateur, il a reçu en 2016 le Prix d'excellence en recherche G.-S.-Glinski de la Faculté de génie.
Au Canada, il travaille sur le contrôle de la pollution des rivières avec Agriculture et Agroalimentaire Canada. « Il y a beaucoup de pesticides et d'engrais dans les champs, comme l'azote et le phosphore, et ils finissent toujours dans la rivière. » Une bonne partie de ces travaux sont axés sur la rivière Nation Sud, située dans l'Est ontarien, qui se jette dans la rivière des Outaouais, qui se jette ensuite dans le Saint-Laurent. L'étude a pour but d'estimer les effets actuels et futurs des changements du climat et de l'utilisation des terres, comme la déforestation et l'urbanisation, sur la qualité de l'eau et le débit du bassin versant de la rivière. « Je fais des modèles qui prédisent ce qui va se passer si on ne fait rien et qui permettent d'améliorer nos pratiques agricoles et notre gestion de l'eau. »
En 2015, le professeur Seidou a publié une étude montrant que les changements dans l'utilisation des terres peuvent entraîner autant de répercussions sur la qualité de l'eau que les changements climatiques. Faute de bien considérer ces changements, on pourrait faire une mauvaise évaluation des causes de la pollution de l'eau et établir des stratégies d'atténuation erronées. « Les gens ont peur des changements climatiques, mais les conséquences de modifier le paysage sont pires. »
La situation est plus grave en Afrique de l'Ouest, où la déforestation massive exacerbe les effets des changements climatiques, comme la hausse des températures, la modification des précipitations et les phénomènes climatiques extrêmes. Grâce au financement du Centre for International Governance Innovation de Waterloo, M. Seidou et ses collègues du Centre régional Agrhymet, au Niger, se sont attelés à la création d'une technique qui devrait assurer la stabilité de la production du millet perle, principale culture de la région.
En utilisant l'outil public d'évaluation des sols et de l'eau (SWAT), ils ont constaté que le problème résidait plutôt dans la distribution de l'eau que dans sa quantité. Pour s'adapter au fait que la saison des pluies commençait plus tard et se terminait plus tôt, ils ont proposé de créer de petits réservoirs dans les champs afin de capter l'eau de pluie, qui servirait à irriguer pendant la saison sèche. Ensuite, pour donner un coup de pouce aux cultures, ils ont créé des pépinières faciles à irriguer, puis ont transplanté les pousses de trois semaines au début de la saison des pluies. La production des parcelles de test était de 20 à 40 % supérieure à celle des champs des agriculteurs, selon la variété de millet.
Récemment, M. Seidou a travaillé avec l'Université de Sherbrooke et Agrhymet sur la création d'un outil de prévision des risques d'inondation à Niamey, la capitale du Niger, qui fait souvent face à des crues dévastatrices. « Notre plus grand défi est de mesurer les débits. Au Niger, ils n'ont pas ce genre de technologie. »
Grâce à une subvention du Centre de recherches pour le développement international du Canada, l'équipe a installé quatre stations de mesure à des points stratégiques du fleuve Niger et de deux de ses affluents. À l'aide d'un modèle SWAT, ils peuvent convertir les données satellites en estimations de précipitations pour les sept derniers jours et les six prochains, puis utiliser ces chiffres et les mesures des rivières pour calculer le débit à Niamey. « Maintenant, je peux voir sur mon ordinateur exactement ce qui se passe à toutes les heures », affirme M. Seidou. Des données et des prévisions sont affichées chaque jour sur un site Web. « Ce site est, à la connaissance de l'équipe de projet, le seul portail Internet diffusant des données de risque d'inondation en Afrique de l'Ouest », ajoute-t-il. L'équipe prévoit que le système d'alerte sera pleinement opérationnel d'ici la fin 2017.
S'agissant de ses projets de recherche, Ousmane Seidou conclut en émettant le souhait suivant : « J'aimerais que ce soit vraiment utile. C'est pourquoi je travaille en Afrique. J'aimerais qu'un beau jour, grâce à ma technique, la production agricole ne fasse plus de hauts et de bas, qu'on soit capable de prévoir les inondations. Pour moi, ce serait le succès. »