« Malgré toute la publicité, malgré la sensibilisation accrue de la population et malgré tout ce qui a été dit sur l'environnement, les comportements n'ont pas beaucoup changé au cours des 15 dernières années. »
– Luc Pelletier
Pas facile d'être vert. Et encore moins facile de convaincre ceux qui ne sont pas prêts à changer leurs idées et leurs habitudes. « C'est un fait que, malgré toute la publicité, malgré la sensibilisation accrue de la population et malgré tout ce qui a été dit sur l'environnement, les comportements n'ont pas beaucoup changé au cours des 15 dernières années », soutient Luc Pelletier, professeur de psychologie et directeur du Laboratoire de recherche en motivation humaine de la Faculté des sciences sociales.
Pour tenter d'en découvrir la raison, son équipe et lui s'efforcent de comprendre l'impact des messages environnementaux afin de proposer de meilleures façons de motiver les gens à adopter des comportements écologiques.
« Les gens pensent soit qu'on est motivé, soit qu'on ne l'est pas, mais en réalité il y a différentes façons de faire », précise M. Pelletier. À un extrême, on trouve les gens qui ont besoin d'une contrainte (taxe, amende) ou d'une récompense (rabais) pour changer leurs habitudes. Enlevez ces incitatifs et ils abandonneront ce comportement.
À l'autre extrême, on trouve les gens motivés par des facteurs internes : leurs valeurs, leurs intérêts et leurs croyances. Ces gens choisissent de faire des choses enrichissantes, ce qui peut les conduire à adopter un mode de vie très pro-environnement. Ainsi, malgré les embûches, ils vont recycler, composter, réduire leur empreinte énergétique, marcher, utiliser le transport en commun, etc.
Le défi est de faire cheminer les gens le long de ce continuum. « On aimerait que les gens fassent les choses sur une base volontaire, qu'ils ne posent pas un seul geste mais plusieurs, en dépit du niveau de difficulté, explique M. Pelletier. Et aussi que les comportements soient maintenus à travers le temps. Les gens doivent aussi arrêter de faire des choses négatives. »
Jusqu'à maintenant, la plupart des Canadiens n'adoptent que des gestes faciles, comme le recyclage à la maison. Selon le chercheur, une partie du problème réside dans le fait que presque tous les renseignements diffusés sur l'environnement mettent l'accent sur les causes et les conséquences des problèmes plutôt que sur les solutions. En somme, ces images produisent une réponse émotionnelle négative. Chez les personnes motivées, cet inconfort peut provoquer le désir d'agir. Toutefois, chez les personnes non motivées, ce sentiment peut mener à la frustration et à la désaffection : au lieu d'adopter un nouveau comportement, ces personnes se replient sur une nouvelle attitude.
Dans le modèle qu'il propose, la sensibilisation n'est que la première étape. Il faut aussi guider les gens vers les étapes suivantes, où ils comprennent ce qu'ils doivent faire et sont encouragés à agir en conséquence.
Ses recherches précédentes révèlent que notre réaction à tout problème se fait en quatre phases : la détection, la décision, la mise en action et le maintien. « Un message efficace devrait prendre en considération l'ensemble de ces choses-là », souligne-t-il. Les messages doivent donc être modulés en fonction des différentes étapes du changement de comportement : d'abord sensibiliser les gens au problème, ensuite leur présenter des gestes concrets qu'ils peuvent faire pour y remédier, puis leur montrer comment s'y prendre et, finalement, comment maintenir ces comportements.
Or, comme le rappelle le chercheur, information n'est pas synonyme de motivation. Ces messages doivent donc être mis en contexte pour donner aux gens une raison d'agir. Selon ses recherches, les gens réagissent mieux aux messages qui font appel aux buts intrinsèques, comme vivre en santé, améliorer l'environnement et veiller au bien-être des générations futures, qu'aux buts extrinsèques, comme la peur du réchauffement climatique ou de ses répercussions économiques.
Très citées, les recherches de Luc Pelletier ont influencé les messages environnementaux d'une myriade de projets aussi diversifiés que des initiatives de conservation de l'eau en Californie ou des projets d'écoles écologiques en Flandre.
Au final, conclut M. Pelletier, « on n'a qu'à éduquer les gens de façon plus stratégique. Alors ils le feront eux-mêmes. »
Le pouvoir des images
Nous sommes constamment exposés à des images sur les changements climatiques et d'autres problèmes environnementaux. Or, sont-elles suffisantes pour nous amener à chercher une solution?
C'est ce que souhaite découvrir Maxime Dorville, étudiant au doctorat en psychologie clinique sous la supervision du professeur Luc Pelletier. « Je tente par mes recherches de savoir si les images présentées dans les médias auraient un impact sur le degré de motivation des gens par rapport à l'environnement », explique-t-il.
Durant la première phase de son étude, deux groupes de 100 participants ont regardé 45 photos représentant les causes et les conséquences des changements climatiques, ainsi que des solutions à ce problème. Ont-ils eu une perception négative ou positive de ces images? Selon eux, à quelle des trois catégories appartenaient-elles? La motivation des participants par rapport à l'environnement était évaluée avant et après le visionnement.
Bien que les résultats n'aient pas encore été analysés, le doctorant émet l'hypothèse que les images de solutions sont plus susceptibles de générer de l'espoir que de la peur ou du désespoir et de motiver les gens à améliorer leurs comportements environnementaux. Il raffinera cette hypothèse dans une deuxième phase, lors de laquelle il n'utilisera que les images les plus fortes.
Cette recherche connaît déjà un certain succès, car Maxime Dorville dit avoir lui-même adopté davantage de comportements écologiques.