Dire que Dave Holmes n’a pas peur des sujets difficiles est un euphémisme. Dans les années 1990, il travaille comme infirmier de rue et prend soin de prostituées et de consommateurs de crack. Il crée alors l’une des premières cliniques d’échange de seringues du pays. « J’enseignais aux gens comment s’injecter de la drogue dans les piqueries de Montréal. Ce n’était pas très populaire à l’époque », évoque-t-il.
Des années plus tard, il travaille à plein temps dans un établissement de psychiatrie médico-légale et collabore avec le Service de police de la Ville de Montréal comme infirmier psychiatrique de rue. Il mène également des recherches sur les risques associés à un large éventail de pratiques sexuelles (relations anales sans préservatif, sadomasochisme, sexe en groupe gai, etc.), bien avant que ces sujets ne soient ouvertement discutés dans les sciences de la santé. Il poursuit d’ailleurs ses recherches dans ces domaines. Il a été le premier en soins infirmiers à étudier les pratiques sexuelles des hommes dans les saunas gais, travaux qui ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) en 2004.
« Avec le recul, je suppose que je faisais ce que personne d’autre n’était prêt à faire. »
Plusieurs années plus tard, le professeur de la Faculté des sciences de la santé et titulaire de la Chaire de recherche de l’Université en soins infirmiers médico-légaux continue de mener des recherches de pointe. Il se concentre sur le point de rencontre entre la santé mentale et le système de justice pénale. Ainsi, son équipe étudiera les modalités de placement des personnes âgées incarcérées pour crimes sexuels dans des foyers de soins. Récemment, il a reçu une subvention des IRSC pour étudier l’épineuse question des soins infirmiers compatissants et éthiques pour les patients ayant commis des crimes violents à l’encontre du personnel infirmier employé dans des établissements psychiatriques médico-légaux à sécurité maximale.
« Nous interrogerons le personnel infirmier des services médico-légaux qui a été témoin d’une agression contre un ou une collègue et nous étudierons la façon dont il est ou non en mesure d’offrir des soins aux agresseurs », explique le professeur Holmes.
Tout en poursuivant des domaines de recherche extrêmement ardus, le chercheur ne craint pas de contester les normes en vigueur, en particulier dans les établissements psychiatriques et correctionnels. Il est un ardent défenseur des droits des patients et des détenus atteints de maladies mentales, et lutte pour que le personnel infirmier puisse dispenser des soins intègres et éthiques, peu importe le contexte.
Il a présenté des données pour encourager les établissements psychiatriques, médico-légaux et correctionnels à limiter le recours à l’isolement et aux contentions, sensibilisant ainsi les intervenants à la « violence » de ces pratiques. Il a notamment exposé le cas tragique d’Ashley Smith, morte en 2007 dans un pénitencier de l’Ontario alors qu’elle était sous surveillance étroite parce qu’elle était suicidaire.
En plus de ses recherches et de sa pratique clinique, le professeur Holmes a dirigé plus de 40 étudiants des cycles supérieurs, au Canada et à l’international. Nombre d’entre eux sont devenus professeurs, à leur tour, dans le monde entier et continuent d’influencer la pratique, comme Patrick O’Byrne (page ci-contre). « Je prendrai ma retraite dans sept à dix ans, mais je sais que tous mes étudiants de troisième cycle, les anciens comme ceux que je dirige actuellement, sont fervents de justice sociale », conclut Dave Holmes.
Héritage impressionnant, qui continuera de transformer la pratique des soins infirmiers en marge de la société.