Quel message souhaitez-vous transmettre aux parents qui s’inquiètent des éventuelles répercussions liées à la fermeture des écoles?
Selon moi, les parents ne devraient pas s’inquiéter outre mesure des retards ou du rattrapage scolaire en vue. De la maternelle à l’université, il y aura beaucoup de mesures en place à l’automne pour les jeunes qui n’ont pas été évalués de façon traditionnelle, qui n’ont pas fait de tests normalisés ou qui ont été privés de certains aspects de l’apprentissage en classe.
De plus, les parents ne devraient pas s’en faire quant à la perte des acquis. On aurait tort de se concentrer uniquement sur ce que les enfants perdent lorsqu’ils ne suivent pas le programme « normal » : on doit aussi regarder les occasions d’apprentissage uniques qui se présentent en ce moment. Que peuvent apprendre les enfants du monde qui les entoure, de la crise et des interventions déployées sur tous les continents? Que peuvent-ils retirer du temps passé en famille, à regarder la nature, à cuisiner, à jouer, à créer? Parlons en termes de gains et non seulement de pertes.
Avez-vous des conseils pour gérer l’apprentissage à la maison?
Je recommande avant tout aux parents d’aider leurs enfants à structurer leur journée. Leur quotidien devrait se composer tantôt d’activités cognitives, tantôt d’activités physiques, sans en oublier d’autres à caractère plus pratique, comme cuisiner, jardiner ou construire quelque chose. C’est très important, parce qu’on veut éviter que les enfants (et les adultes aussi, à dire vrai) passent huit heures par jour sur les réseaux sociaux. D’abord, parce que ce n’est pas particulièrement utile, mais aussi parce que ça peut mener à la dépression – et on sait que la dépression peut affaiblir le système immunitaire, fait particulièrement préoccupant en temps de pandémie.
J’aimerais avant tout voir les parents allier leurs intérêts à ceux de leurs enfants pour trouver des activités en fonction des ressources à leur portée. Un parent musicien peut enseigner les rudiments de son instrument à ses enfants. Si papa ou maman manie bien la plume, qu’on entreprenne un projet d’écriture. Les travailleurs de la santé, professeurs ou décideurs peuvent s’intéresser avec leurs enfants aux aspects sociaux, économiques ou politiques des pandémies.
Que voudriez-vous dire aux parents qui s’inquiètent de l’année scolaire et des travaux à distance pour leurs enfants au secondaire?
Le ministère de l’Éducation de l’Ontario a somme toute fixé des attentes très équilibrées et raisonnables : on propose des ressources en ligne, mais on explique aussi clairement que ce n’est pas une question de vie ou de mort. Utilisez ces ressources si elles vous aident, votre ado et vous, mais ne les laissez pas ajouter à votre quotidien une couche de stress supplémentaire en cette période déjà stressante. Les universités, par exemple, mettront en place l’an prochain des mesures d’adaptation pour pallier la fermeture des écoles.
Les élèves très performants voudront tout faire. Mais être assis devant un écran, c’est différent de l’être en classe. Les parents doivent garder la situation à l’œil. Vos jeunes font-ils de l’activité physique? Laissent-ils leurs écrans de côté pour faire autre chose de leur temps? Je préfère de loin un apprentissage pratique par projet aux feuilles de travail.
Que conseillez-vous aux parents d’élèves à l’école élémentaire?
Les mêmes conseils s’appliquent en gros, à ceci près que les élèves de niveau élémentaire auront besoin de plus d’aide pour structurer leur journée, et ils auront besoin qu’on leur donne un peu plus d’attention. Selon moi, c’est très bien s’ils peuvent entrer virtuellement en contact de temps à autre avec leurs enseignants et leurs camarades de classe. Évidemment, ils devraient passer moins de temps devant les écrans que les élèves du secondaire. Assurez-vous qu’ils ne s’y perdent pas pendant des heures.
Comment les parents, et surtout ceux qui ont de jeunes enfants, peuvent-ils concilier le télétravail et les travaux scolaires de leurs enfants?
Dure question. Il est important de prendre soin de soi et de sa famille, et de limiter ses attentes quant à la quantité de travail qu’on peut abattre. Pour la santé mentale de tout le monde, ne vous en faites pas si vos enfants regardent des films, par exemple. On veut éviter qu’ils se retrouvent devant l’écran toute la journée, mais on doit trouver un juste équilibre entre les exigences de son travail et ce qu’on est en mesure d’accomplir. Les couples qui ont la chance de travailler tous deux de la maison peuvent se relayer. La plupart des employeurs donneront aux parents un peu de latitude quant à ce qu’il leur est réaliste de faire.
Pouvez-vous penser à d’autres situations où les écoles ont été fermées de façon prolongée? Quels ont été les impacts sur l’éducation des enfants?
De notre vivant, jamais le monde ne s’était encore ainsi arrêté. D’une certaine façon, une pause à l’échelle planétaire est plus facile à gérer que des événements isolés – comme une fermeture en raison d’une grève scolaire – qui surviennent à un seul endroit alors que le reste du monde continue de tourner. C’est dans ces cas-là qu’on a le plus l’impression de prendre du retard.
Aucune donnée ne permet d’affirmer qu’il y a des effets à long terme lorsqu’un enfant manque quelques mois d’école. La pandémie est une situation unique où chacun prendra du « retard ». Qu’on se le dise à titre d’encouragement : le monde tout entier fait une pause.