Se soucier de l’autre, ça compte

Par Leah Geller

Rédactrice, Pigiste

Recherche et innovation
Faculté des sciences de la santé
Patrick O'Bryne
Photo: Valérie Charbonneau
Les populations les plus exposées au VIH ont souvent du mal à se faire traiter. Patrick O’Byrne s’efforce d’y remédier.

En 2002, un stage à la Clinique de santé-sexualité d’Ottawa a convaincu Patrick O’Byrne : il voulait travailler dans le domaine du VIH et des infections sexuellement transmissibles. « J’étudiais au premier cycle en soins infirmiers, j’étais fasciné par les maladies transmissibles, surtout en raison des aspects sociaux concernés, se souvient-il. Oui, il existe des interventions cliniques efficaces, mais elles échouent souvent sur le terrain : elles sont minées par des obstacles socioéconomiques et le manque d’accès aux soins. Je voulais que ça change. »

Aujourd’hui, Patrick O’Byrne est professeur à la Faculté des sciences de la santé, où il enseigne les soins infirmiers. Il est aussi titulaire de la chaire de recherche en santé publique et prévention du VIH du Réseau ontarien de traitement du VIH. Il est en train de transformer nos façons de prévenir, de diagnostiquer et de traiter le VIH, en particulier dans les populations marginalisées.

Le VIH touche de manière disproportionnée les groupes minoritaires, entre autres les personnes transgenres, les personnes d’ascendance autochtone ou africaine, les personnes noires ou venant des Caraïbes ainsi que les hommes gais, bisexuels et les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (gbHARSAH). En 2008, le professeur O’Byrne a donc cocréé la Zone Gaie, pour que les hommes gbHARSAH aient plus aisément accès au dépistage, ce qui contribue à réduire l'incidence des infections dans cette population.

Cinq ans plus tard, il a dirigé un projet visant à fournir gratuitement une prophylaxie postexposition (PPE), composée de médicaments contre le VIH prescrits sans frais aux personnes exposées au virus. « De nombreuses personnes exposées au VIH sont de faible statut socioéconomique et disposent de peu de ressources, explique le chercheur. Nous voulions leur garantir un accès équitable. En effet, ces médicaments peuvent réduire le risque d’infection s’ils sont pris dans les 72 heures suivant l’exposition, mais ils coûtent très chers s’ils ne sont pas subventionnés. »

L’équipe de Patrick O’Byrne a ensuite étudié les patients gbHARSAH exposés au VIH qui avaient accès à la PPE, et constaté que 8,5 % d’entre eux restaient séropositifs au cours de l’année. Conclusion : il fallait renforcer les services de prévention. Le chercheur a alors lancé un programme de prophylaxie préexposition (PPrE) pour fournir gratuitement des médicaments et de l’aide aux personnes à haut risque qui n’avaient pas encore été exposées. « Nous avons observé que les interventions en PPrE étaient très efficaces et qu’elles prévenaient l’acquisition du VIH dans une proportion supérieure à 90 %, lorsqu’elles étaient couplées à des préservatifs et utilisées conformément aux prescriptions », poursuit-il.

En juillet dernier, le chercheur est allé encore plus loin dans sa mission de prévention de la transmission du VIH dans la communauté : il a lancé, à Ottawa, des trousses gratuites de dépistage à domicile, une première au Canada. « Selon de nombreuses recherches, dans la plupart des cas, le VIH est transmis par des personnes qui ne savent pas qu’elles sont séropositives, explique-t-il. Malgré toutes les ressources disponibles – médecins de famille, cliniques de VIH, tests gratuits –, une personne sur cinq ne sait toujours pas qu’elle est séropositive. J’espère que des trousses à domicile permettront de les identifier et de les aider à obtenir les soins dont elles ont besoin, y compris des médicaments qui éliminent pratiquement la transmission du VIH. »

Parmi ses nombreuses réalisations, Patrick O’Byrne est particulièrement fier du fait que, près de 20 ans après ses débuts, il continue de travailler comme infirmier praticien à la Clinique de santé-sexualité d’Ottawa, la seule clinique du pays intégralement dirigée par du personnel infirmier. « Je suis sur le terrain, là où c’est le plus exigeant, en contact direct avec les patients et le personnel clinique. Je suis donc en mesure de transposer cette expérience de la vie réelle dans toutes mes activités, de recherche, de pratique ou d’enseignement. »