La présence de différents bruits, même à un niveau d’intensité faible, peut perturber la concentration et notre capacité d’écoute. Les environnements bruyants sont souvent associés à une augmentation du stress et à une diminution des performances cognitives.
Josée Lagacé et Christian Giguère, qui sont professeurs, chercheurs et collaborateurs à la Faculté des sciences de la santé, nous aident à y « entendre » plus clair. Tous deux étudient les effets néfastes du bruit ambiant sur les capacités d’écoute, afin de développer des outils d’évaluation et des méthodes d’intervention pour aider à y remédier.
Comprendre la source des difficultés d’écoute et développer des interventions sur mesure
La professeure titulaire Josée Lagacé s’intéresse aux liens entre les difficultés d’écoute quand il y a du bruit et les difficultés d’apprentissage chez les enfants. « Dans une salle de classe, l’apprentissage se fait principalement par l’écoute de la parole. Cependant, pour certains enfants, des signaux sonores ambiants, comme le cliquetis d’un stylo ou la toux d’un voisin, peuvent être interprétés avec la même intensité que la voix de l’enseignante ou de l’enseignant, nuisant à la compréhension et à l’apprentissage », affirme la professeure Lagacé, directrice du programme d’audiologie et d’orthophonie.
Ses recherches visent notamment à mieux comprendre la nature sous-jacente des difficultés d’écoute chez les enfants, à savoir si elles relèvent d’un déficit sur le plan auditif, cognitif ou langagier, ou d’un ensemble de déficits. Une fois la cause identifiée, il devient plus simple de trouver le type d’intervention qui sera efficace.
« Il est important pour les audiologistes de disposer d’outils de mesure qui permettent d’évaluer la capacité d’écoute de la parole dans le bruit et de déterminer la cause des difficultés, car il ne s’agit pas toujours d’une surdité », explique la chercheuse.
La professeure Lagacé a contribué à la création de différents tests cliniques permettant d’évaluer la perception de la parole dans un environnement bruyant, dont le Test de mots dans le bruit et le Test canadien de triplets de chiffres, qui sont largement utilisés dans les milieux cliniques francophones et en recherche.
La professeure s’intéresse également aux méthodes d’intervention qui permettent de pallier l’impact des difficultés d’écoute, comme l’entrainement auditif. « Dans ce type d’intervention, on demande à l’enfant de répéter des mots simples en présence de bruit afin d’entraîner le système auditif à identifier les signaux sonores pertinents. Lorsque l’enfant progresse, on peut changer le type ou le niveau de bruit compétitifs. »
L’experte indique que la réalité virtuelle est une nouvelle façon de faire cet entraînement auditif. Dans l’une de ses études, les enfants sont placés dans une salle de classe virtuelle et doivent répondre à des consignes présentées sur fond sonore typique de ce qu’on retrouve en salle de classe.
Bien qu’une bonne partie de ses travaux portent sur les difficultés auditives auprès des enfants, la chercheuse se penche aussi sur les symptômes rapportés par plusieurs interprètes de conférence de la Colline du Parlement.
En effet, depuis quelques années, les médias et autres publications font état de symptômes semblables à ceux du choc acoustique, soit l’hyperacousie – une intolérance à des niveaux de son jugés généralement tolérables –, les acouphènes – des bruits perçus sans réellement provenir d’une source externe –, la sensation d’oreille bouchée et les maux de tête. En collaboration avec les membres de son équipe de recherche et d’autres spécialistes du domaine, elle tente de mieux comprendre la cause de ces symptômes incapacitants.
« Les audiologistes disposent d’outils de mesure qui permettent d’évaluer la capacité d’écoute dans le bruit et de déterminer la cause des difficultés, car il ne s’agit pas toujours d’une surdité. »
Professeure Josée Lagacé
Améliorer la communication au travail tout en protégeant l’audition
Le professeur titulaire Christian Giguère s’intéresse à l’innovation dans le domaine des dispositifs auditifs pour combler les défis de communication dans des milieux de travail « où le niveau de bruit est nocif et nécessite une protection auditive, mais qui exigent tout de même des capacités d’audition, soit pour communiquer verbalement ou pour entendre des avertissements sonores ».
Selon lui, les outils communément utilisés, comme les prothèses auditives, les casques de communication et les protecteurs auditifs, présentent des lacunes importantes et ne répondent pas à tous les besoins. Les prothèses auditives et les casques de communication peuvent amplifier la parole, mais dans des milieux bruyants, la personne qui les utilise doit monter le volume à des niveaux extrêmes pour bien entendre. Quant aux protecteurs auditifs, ils atténuent non seulement le bruit, mais aussi la parole, nuisant à la communication entre collègues.
Le professeur travaille en collaboration avec une équipe de Montréal sur une nouvelle technologie hybride, qui allie prothèse et protecteur auditif. Durant les moments peu bruyants, le dispositif amplifiera la parole pour optimiser la communication, mais si le bruit environnant devient dangereusement fort, ce même dispositif se transformera automatiquement en protecteur auditif.
Il donne l’exemple d’un chantier de construction comme milieu qui profiterait de ce nouvel outil : « L’utilisation d’outils très bruyants requiert une protection auditive. Mais en même temps, il faut être alerte à son environnement pour entendre des avertissements, comme un camion qui recule vers toi. »
Il travaille aussi avec les services d’incendie et la police, où les travailleurs et travailleuses n’évoluent pas nécessairement dans le bruit nocif, mais pour qui une mauvaise communication peut avoir de graves conséquences. « Les indices sonores sont un élément décisif pour un policier qui doit pouvoir identifier rapidement la provenance d’une source de danger et communiquer avec son équipe. »
« Pour que les outils soient efficaces, il est essentiel de bien comprendre la source des difficultés d’écoute, les besoins de communication et l’environnement dans lequel on opère », conclut-il.
« Pour que les outils soient efficaces, il est essentiel de bien comprendre la source des difficultés d’écoute, les besoins de communication et l’environnement dans lequel on opère. »
Professeur Christian Giguère