Josephine Etowa (Ph.D.), professeure titulaire à l’École des sciences infirmières de la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa et championne de l’innovation sociale, est déterminée à mettre fin aux inégalités persistantes dans le système de santé canadien au détriment des communautés noires. Elle entend transformer la politique en la matière par des initiatives et des programmes de recherche sur la santé des femmes noires au Canada.
Des inégalités persistantes en défaveur des Africaines, des Caribéennes et des Noires (ACN)
« Nous savons que divers déterminants sociaux, comme la discrimination fondée sur la race ou le genre et les inégalités structurelles, désavantagent considérablement les femmes ACN dans le système de santé au Canada », explique la professeure Etowa, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’amélioration de la santé des femmes noires au Canada. « Elles portent un fardeau disproportionné de maladies depuis des générations, mais la recherche, la pratique et les politiques dans le domaine de la santé en ont fait peu de cas. »
Par exemple, les femmes noires sont sept fois plus nombreuses que les blanches à avoir reçu un diagnostic de VIH. Selon les données de l’Ontario, où réside 52% de la population noire du pays, qui compte pour 3,55 % de la population canadienne, en 2019, les femmes noires ont obtenu une part démesurée de premiers diagnostics du VIH parmi la population féminine, soit 59 %. Pour la chercheuse et ancienne titulaire de la Chaire de recherche du Réseau ontarien de traitement du VIH (OHTN) en prévention et soins du VIH pour les femmes noires, cette surreprésentation est due à la convergence de facteurs sociaux et structurels qui augmentent la vulnérabilité de ces femmes en réduisant leur accès à des programmes de prévention du VIH.

Une initiative pancanadienne pour améliorer la santé des femmes noires
La professeure Etowa s’intéresse aux besoins propres aux femmes ACN afin d’améliorer leur santé et de réduire les inégalités systémiques qui leur nuisent. Ses travaux prennent racine dans plus de 20 années d’expérience clinique en tant qu’infirmière autorisée, sage-femme et enseignante, et dans les principes de la participation communautaire.
Véritable pionnière, Josephine Etowa est l’instigatrice et la force vive de l’Initiative pour la santé des femmes noires (ISFN), lancée le 18 juin 2024 à l’Université d’Ottawa, avec l’appui des sénatrices Wanda Thomas Bernard, Marie-Françoise Mégie et Bernadette Clement. L’ISFN vise à établir le tout premier programme de recherche de 10 ans sur les problèmes de santé qui touchent particulièrement les femmes ACN au Canada. Il favorisera la collaboration en recherche, en renforcement des capacités et en élaboration de politiques en vue d’améliorer la santé de ces femmes et leur accès à de meilleurs soins.
À l’écoute des femmes noires
Sous la direction du Laboratoire de recherche collaborative critique pour l’équité et la transformation en santé de la professeure Etowa et avec la collaboration du Centre interdisciplinaire pour la santé des Noir.e.s de l’Université d’Ottawa, l’ISFN a amorcé sa première phase. Diverses personnalités et parties intéressées au Canada ont été conviées à la série de conversations nationales Sisterhood for Health Equity (SHESpeaks). « Ces conversations, que nous avons baptisées SHESpeaks, ouvrent la voie à la création d’un réseau interdisciplinaire de femmes noires (B-WIN, pour black women interdisciplinary network) », explique la professeure Etowa.
Pour garantir une voix égale au chapitre à la société civile, aux parties intéressées et aux partenaires universitaires, et pour refléter les besoins et les contextes diversifiés des communautés noires du pays, les six pôles régionaux du réseau B-WIN seront dirigés par des chercheuses chevronnées et des membres de la communauté. Ce réseau ancré dans l’engagement communautaire, la production de connaissances, le renforcement des capacités et la mobilisation des savoirs jouera un rôle essentiel dans la formation de partenariats multidisciplinaires.
Par exemple, le pôle de l’Ontario, le plus grand des six pôles régionaux, sera codirigé par la directrice de l’Institut des femmes noires pour la santé, un organisme communautaire à Toronto, une membre de la direction de la Division de l’Ontario de l’Association canadienne pour la santé mentale et l’administratrice de l’Institut d’études africaines de l’Université Carleton.

« Les conversations que nous avons baptisées SHESpeaks, ouvrent la voie à la création d’un réseau interdisciplinaire de femmes noires. »
Professeure Josephine Etowa, Directrice du Laboratoire CO-CREATH
Pour des communautés autonomes
La professeure Etowa souhaite réunir des personnes et des organisations qui autrement travailleraient en vase clos pour étudier les facteurs sociaux qui influent sur la santé, notamment l’éducation, l’économie, le genre et la culture. « Grâce à l’expertise du Carrefour du savoir pour l’entrepreneuriat des communautés noires, nous obtiendrons une cartographie de l’écosystème et des ressources nécessaires pour offrir un système de soutien partout au pays, dit-elle. C’est pourquoi nous intégrons des partenaires de secteurs autres que la santé dans le réseau B-WIN. »
« Avec cette initiative, nous entendons produire des données probantes de haute qualité pour dresser l’état de la situation et cerner les obstacles structurels et systémiques ainsi que les modèles d’intervention qui peuvent orienter l’établissement de programmes, de politiques et de pratiques en santé, et alimenter de nouvelles études en vue d’améliorer sensiblement la santé des femmes noires au Canada », poursuit la chercheuse. En phase avec sa vision, l’ISFN est conçue pour offrir un cadre d’autonomisation et un outil pour la mobilisation des connaissances et la défense des intérêts de ces communautés.
De meilleures politiques publiques
La production de connaissances, la gestion de données et la diffusion du savoir par l’ISFN alimentent la recherche sur les problèmes de santé des femmes ACN, essentielle pour éclairer les responsables des politiques en matière de santé de tous les niveaux. Le programme de recherche de l’initiative porte notamment sur la neurodiversité, la santé reproductive, la santé mentale et les obstacles systémiques à l’accès aux services.
Les contributions de la professeure Etowa à l’innovation sociale et à l’équité en santé publique au pays lui ont valu le prix Ron Draper en promotion de la santé de l’Association canadienne de santé publique en 2024 et le prix Trailblazer en politique d’innovation du Centre canadien de politique scientifique en 2021.
Les 50 millions de dollars qu’elle a reçus à ce jour pour ses travaux attestent de l’excellence de sa recherche et de son expertise, qu’elle met aujourd’hui au service du Bureau de la recherche et de liaison en matière de politiques publiques de l’Université d’Ottawa, en tant que membre du comité consultatif.
Une chercheuse maintes fois primée
Par sa détermination inébranlable à supprimer les inégalités en santé pour les personnes noires, la professeure Etowa s’est hissée au rang de leader en matière de lutte antiraciste et d’équité en santé. Elle est lauréate de nombreuses distinctions, dont la prestigieuse Médaille du couronnement du roi Charles III, le Prix de l’implication communautaire de l’Université d’Ottawa pour le programme Peer Equity Navigator et l’Ordre d’Ottawa, qui lui a été décerné en 2024