- Mona Nemer
L’ancien doyen des sciences de l’Université d’Ottawa, le regretté André Lalonde, avait une vision très claire de ce que serait le Complexe de recherche avancée (CRA), ce nouveau pavillon consacré à la recherche en photonique et en sciences de la Terre. Il voulait « faire voir la science », se souvient l’architecte principal Stephen Jones de Cole and Associates, l’étude d’Ottawa qui a conçu le bâtiment à l’angle de l’avenue King-Edward et de la rue Templeton. En effet, les passants verront de la rue, par la vitrine de l’entrée principale qui s’élève sur deux étages, ce qui se passe dans le laboratoire des sciences de la Terre portant le nom du professeur Lalonde. On est loin du laboratoire de recherche typique, le plus souvent hors de vue du grand public.
Depuis le début, le concept du bâtiment tourne autour de la transparence, de la collaboration et de l’élimination des barrières. « Le CRA est un modèle évolutif qui favorise la recherche multidisciplinaire aux facultés des sciences et de génie, et qui assure le continuum entre la recherche fondamentale et le développement technologique », explique Mohamad Nasser-Eddine, directeur du Bureau des initiatives de développement stratégique. La petite équipe qu’il dirige joue un rôle capital en arrière-plan, avec le Groupe de gestion des projets stratégiques, dans l’élaboration, l’obtention et la gestion de grands projets de recherche financés par les fonds publics.
Le CRA réunit des chercheurs et des étudiants aux cycles supérieurs des départements de physique et des sciences de la Terre, ainsi que de l’École de science informatique et de génie électrique. « Nous avons personnalisé le bâtiment en fonction des besoins fonctionnels et techniques de nos chercheurs », précise Sylvain Charbonneau, vice-recteur associé à la recherche et l’un des dirigeants du projet. Les scientifiques ont été consultés à diverses étapes de la conception et de la construction, à commencer par le choix de l’emplacement parmi cinq terrains proposés.
L’idée de construire ce bâtiment a pris naissance au Bureau de la vice-rectrice à la recherche, dirigé par Mona Nemer. Pour atteindre l’objectif de l’Université de se tailler une place parmi les cinq premières universités de recherche au Canada, le bureau s’est engagé à fournir un terreau fertile pour la recherche en se concentrant sur quatre axes prioritaires de développement de la recherche, dont font partie la photonique et les sciences de la Terre.
Deux éminents chercheurs, le physicien Paul Corkum et le géoscientifique Ian Clark, ont donné au projet une vigoureuse impulsion initiale. En 2008-2009, ils ont demandé et obtenu, chacun de leur côté, du financement pour une somme dépassant les 26 millions de dollars de la Fondation canadienne pour l’innovation et du Fonds pour la recherche en Ontario. Réunies, ces subventions ont fourni l’important capital d’amorçage nécessaire à la construction du nouveau centre de recherche.
La construction d’un centre de recherche de pointe de cinq étages a nécessité une collaboration étroite entre les architectes, les entrepreneurs en construction et les chercheurs. La principale préoccupation des scientifiques était la stabilité de l’édifice, puisque la moindre vibration pourrait faire achopper des expériences réalisées avec des lasers ultrasensibles. La pièce maîtresse du CRA, un spectromètre de masse par accélérateur de 44 tonnes servant à détecter et à analyser les traces de radioisotopes (voir en page 4), nécessitait aussi une assise ultrastable et un plancher très plat. La solution : installer des radiers, sortes de dalles de béton flottantes atteignant jusqu’à 90 cm d’épaisseur, ancrées directement dans le roc par de nombreux pieux d’acier remplis de béton et isolées du reste de la structure. Si le bâtiment tremble, la dalle ne bouge pas d’un iota.
Construit par la société Pomerleau, entrepreneur en construction bien connu dans l’Est du Canada, l’édifice au design propre et rectiligne qui semble émerger d’une colline symbolise la stratification rocheuse. Mais son emplacement a aussi une application pratique : les laboratoires de photonique sont en effet logés dans la pente, à l’abri de la lumière ambiante qui peut nuire aux expériences laser. Ces laboratoires sont également munis de diffuseurs qui poussent l’air vers les côtés plutôt que vers le bas, aussi pour éviter de nuire aux lasers d’une grande sensibilité.
La promesse d’une telle installation de fine pointe a déjà attiré des chercheurs de renom à l’Université et séduira certainement d’autres experts et étudiants aux cycles supérieurs.
« Le Complexe de recherche avancée sera notre point d’appui pour renforcer le rôle national et international de l’Université d’Ottawa en tant que chef de file dans les domaines de la photonique et des sciences de la Terre, indique Mona Nemer, qui a milité pour la construction du CRA dès le début. Cette installation incomparable stimulera la découverte et encouragera nos scientifiques à repousser les limites de la science. »
Pour les chercheurs en photonique et en sciences de la Terre et leurs étudiants diplômés, l’ouverture du CRA représente une pléiade de nouveaux horizons.