Cet intérêt bien particulier l’a motivé à faire sa maîtrise en biologie sous la direction de l’un des premiers experts de cette protéine luminescente, pour ensuite devenir chercheur potsdoctoral en cancérologie à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa (IRHO), ainsi qu’à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Comme beaucoup de scientifiques au Canada et aux quatre coins du monde, Taha Azad et son équipe sont maintenant engagés dans la course au vaccin et au remède contre le coronavirus.
Un brillant parcours
Lorsqu’il a décidé de passer de la biologie pure à la recherche sur le cancer, Taha Azad a été encouragé à utiliser sa connaissance de la luciférase pour créer des biocapteurs, qui peuvent servir à surveiller le comportement des cellules cancéreuses. Son travail a permis de suivre la formation des nouveaux vaisseaux sanguins qui contribuent à la prolifération des cellules de cancer du sein et du poumon. « Un des biocapteurs que j’ai créés émet de la lumière, et comme les cellules cancéreuses émettent une lumière plus intense quand elles sont actives, on peut déterminer si elles sont actives ou en train de mourir en observant la quantité de lumière qu’elles produisent », explique le chercheur.
Les biocapteurs qu’il a conçus durant son doctorat à l’Université de Queen’s, sous la supervision du professeur Xiaolong Yang, ont permis d’identifier de nouvelles voies de signalisation des cellules cancéreuses, le système qui régit des fonctions cellulaires comme la division ou la destruction des cellules. Les recherches de Taha Azad ont aidé à créer des méthodes de détection des voies de signalisation des cellules métastatiques et à concevoir des médicaments qui préviennent la formation de métastases en empêchant la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. Non seulement cette contribution est une réalisation majeure dans la carrière naissante du chercheur, mais elle lui a aussi valu la prestigieuse Médaille d’or du Gouverneur général.
Un traitement combiné qui combat le cancer avec des virus
Afin d’ajouter une nouvelle dimension à ses recherches contre le cancer et d’explorer l’utilisation combinée de virus et de biocapteurs pour réguler la prolifération des cellules cancéreuses, Taha Azad s’est joint à l’équipe de John Bell, un chercheur de l’IRHO et professeur à la Faculté de médecine qui est aussi un expert de renommée mondiale en virothérapie oncolytique. « Il y a 25 ans environ, certains “mauvais” virus se sont avérés utiles, explique le chercheur. Après que l’on ait découvert la vulnérabilité des cellules cancéreuses aux virus, John Bell a démontré qu’on pouvait se servir des virus de la vaccine, un type de virus qu’on utilisait pour immuniser nos grands-parents contre la variole, pour cibler les cellules cancéreuses.»
Taha Azad, qui a récemment reçu une bourse postdoctorale Banting, poursuivra le travail de l’équipe du professeur Bell avec les virus de la vaccine pour cibler les cellules cancéreuses et créer des traitements qui infectent et tuent uniquement les cellules cancéreuses. « J’ai trouvé quelques protéines dans les cellules cancéreuses qu’on pourrait intégrer à certains virus pour mieux cibler ces cellules et réduire les dommages aux tissus sains », explique Taha Azad, qui croit qu’on pourrait ainsi augmenter l’efficacité du traitement et réduire considérablement la résistance des cellules cancéreuses.
Passer en mode pandémie
Jusqu’à tout récemment, Taha Azad se concentrait sur la recherche contre le cancer, première cause de décès au Canada, mais il a réorienté son travail vers la recherche d’un vaccin et d’un remède contre la COVID-19 avant même que l’état de pandémie ne soit officiellement déclaré. Toutefois, le mérite d’avoir pensé à adapter ses travaux sur les biocapteurs à la recherche d’un vaccin revient en partie à sa femme, Mina Ghahremani. La chercheuse en biochimie et biologie moléculaire de l’Université d’Ottawa travaille auprès de la professeure de biologie Allyson MacLean à la mise au point d’un vaccin comestible contre la COVID-19. « [Mina] a suggéré que je crée des biocapteurs pour la COVID-19 en janvier, avant même que le virus ne soit détecté au Canada », raconte le chercheur, qui souligne la difficulté de concevoir des biocapteurs pour un virus qu’on connaît encore si peu.
Taha Azad et ses collègues utilisent la luciférase de lucioles — ce qui fait qu’une protéine peut émettre de la lumière — pour créer des biocapteurs qui peuvent détecter des anticorps contre le SARS-CoV-2 en moins de 30 minutes. Ces biocapteurs, jusqu’ici testés sur des souris, servent à vérifier la présence d’anticorps dans le sang. « Le temps presse, mais il y a une belle collaboration entre les scientifiques » , souligne le scientifique, très fier de travailler avec les chercheurs John Bell, Carolina Ilkow et Jean-Simon Diallo, de la Faculté de médecine et de l’IRHO, à la recherche d’un vaccin et d’un remède contre la COVID-19.
De l’importance d’écouter...
« Malgré le SARS-1 il y a 20 ans et le MERS il y a cinq ans, on n’a pas écouté suffisamment les mises en garde des scientifiques au sujet du risque de pandémie », déplore Taha Azad. Selon lui, la pandémie a mis en relief l’importance de prêter attention à ces mises en garde des scientifiques contre différentes menaces envers l’humanité.
Faisant écho aux lauréats de prix Nobel réunis à Lindau (Allemagne) en 2018, Taha Azad mentionne, parmi ces menaces auxquelles les scientifiques pressent les décideurs de s’attaquer, les changements climatiques, la résistance aux antibiotiques, les maladies infectieuses et la pseudoscience (comme le discours anti-vaccins). « Il n’est pas facile de changer la mentalité des adultes », admet le chercheur, qui croit quand même en la mobilisation des connaissances et la communication scientifique. « Il est essentiel de donner une meilleure éducation scientifique aux enfants », note ce futur papa. « Si on enseigne aux enfants à réduire leur consommation de plastique, ils en parleront à leurs parents. J’ai bien l’intention d’aller passer du temps dans les écoles pour parler de science aux enfants... dès que ce sera possible. »