En revanche, mesurer le degré de satisfaction à l'égard des services de télésconsultation dans des contextes linguistiques minoritaires s'est avéré problématique. « Il n'y avait pas d'outils d'évaluation en français », explique Dorion. Ce constat a marqué le début de son projet de recherche doctorale et le chemin vers un doctorat en éducation avec une concentration en enseignement pour les professionnels de la santé.
La recherche de Dorion, soutenue par des bourses du Conseil de recherches en sciences humaines et du Consortium national de formation en santé, répond au besoin pressant d'améliorer la disponibilité et l'accessibilité des services de santé dans les communautés francophones. Son récent passage sur scène pour recevoir son doctorat en éducation a marqué une nouvelle étape de son parcours professionnel au service des autres.
Cette conversation fait partie de notre série Les universitaires en éducation.
Parlez-nous de vous et de ce qui vous a inspiré à poursuivre des études doctorales.
J'ai toujours été de nature très sportive. J'ai joué dans l'équipe de water-polo de l'Université d'Ottawa pendant mes études de premier cycle. Je pense donc que ça m'a amené naturellement à vouloir promouvoir la santé en devenant physiothérapeute. Aider les gens à se sentir mieux après une blessure ou une maladie est une valorisation en soi.
En tant que physiothérapeute-clinicienne de formation, j’œuvre dans le domaine de la santé depuis 20 ans. Je suis actuellement conseillère à la pratique professionnelle à l’Hôpital Montfort ce qui me permet de mettre à profit de notre population les meilleures pratiques en santé et de contribuer à l’implantation d’un modèle de soins interprofessionnel pour continuer de leur offrir des soins de qualité.
Je travaillais dans une clinique de réadaptation cardiaque et pulmonaire ambulatoire, et nous faisions beaucoup d'éducation à la prévention avec nos patients. C'est à ce moment-là que je me suis dit : J'adore l'éducation, c'est ce que je veux faire ! J'ai réuni les deux - les soins de santé et l'enseignement. Je suis passionnée par mon travail et fière d'être franco-ontarienne. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de retourner aux études pour former la prochaine génération de professionnels de la santé en français.
Dans mon travail de physiothérapeute en milieu hospitalier (avant la pandémie) nous commencions déjà à faire des téléconsultations et nous voulions évaluer nos services virtuels. Nous avons constaté que nous n'avions pas d'outils de mesure en français qui avaient été validés, et c'est là que mon projet de doctorat a vu le jour.
Qu'est-ce qui vous a motivé à vous concentrer sur la téléconsulation ?
Mon cadre professionnel me permet d’être à l’affût de la réalité clinique et d'utiliser l’intégration de nouvelles technologies pour améliorer l’accès à des soins de santé dans un milieu francophone minoritaire. Le manque d’outils validés et disponibles en français pour mesurer la satisfaction des patientes et des patients et des professionnels de la santé en lien avec l’utilisation de la téléconsultation à l’Hôpital Montfort (le seule hôpital universitaire francophone en Ontario) a donc suscité chez moi un vif intérêt pour la conception d’instruments de mesure dans ce domaine.
J’étais motivée par la ferme intention d’apporter des solutions applicables et utiles dans le milieu clinique. En d’autres termes, la mesure de satisfaction des patientes et patients et des professionnels francophones recueillie dans le cadre de mon projet permettra, je le souhaite, de mieux comprendre les enjeux de l’utilisation de ce dispositif sur le terrain et de proposer des solutions concrètes selon les besoins des communautés francophones en situation minoritaire. Dans la perspective du contexte actuel des soins de santé dans lequel nous vivons des transformations importantes en matière d’intégration des technologies.
À qui voudriez-vous que vos travaux profitent ?
Nous utilisons couramment la mesure de la satisfaction comme indicateur de la qualité pour appuyer les décisions cliniques, administratives et professionnelles. Cependant, le développement d’outils demeure une entreprise complexe. C’est la raison pour laquelle je souhaite que les retombées de mon projet permettent aux personnes qui s’intéressent à ce projet (chercheuses et chercheurs, cliniciennes et cliniciens, psychométricienne et psychométricien), de porter une attention particulière à l’importance des choix méthodologiques et de l’analyse psychométrique qui découlent de la conception d’un instrument de mesure. Cela permettra d’assurer que les prises de décisions et les initiatives cliniques soient appuyées avec des instruments dont les preuves de validité ont été démontré avec un cadre de travail rigoureux et transparent.
En ce qui concerne l’enjeu sociolinguistique, la mise en œuvre de questionnaires de satisfaction validés en français permettra de répondre au besoin criant de développer des outils cliniques sensibles et adaptés pour détecter les besoins des francophones. Ce dernier point est critique pour éclairer la mise en œuvre efficace de la téléconsultation dans le milieu clinique et de diminuer les disparités en matière de santé. J’aimerais souligner que les questionnaires développés dans le cadre de mon étude seront disponibles en anglais et en français. Ils seront donc exportables dans d’autres établissements de la santé qui souhaitent mesurer la satisfaction dans le domaine de la téléconsultation.
Votre recherche a-t-elle donné lieu à des résultats inattendus ?
Le développement d’instruments de mesure scientifiquement fondés n’est pas aussi simple que cela puisse paraitre. Cela exige une démarche rigoureuse et méthodologique pour s’assurer que l’on mesure réellement ce que l’on souhaite mesurer. Il faut également tenir compte des spécificités de notre échelle. Par exemple, le nombre de catégories de notre échelle ou la sémantique des catégories peut largement influencer les conclusions qui seront tirées à partir de l’interprétation des scores obtenus. La subtilité dans le choix des mots peut également influencer la façon dont les participantes et les participants vont interpréter et répondre à une question.
Il est intéressant de noter que dans le contexte francophone de mon étude, un fort pourcentage des patientes et patients et des professionnels de la santé (80%) ont choisi de compléter le questionnaire en français. Cela démontre, de nouveau, la pertinence de l’offre active des services en français pour évaluer le ressenti des populations francophones. Dans un troisième temps, malgré l’ascension rapide de la téléconsultation dans le domaine de la santé, une prudence s’impose. Malgré les avantages associés à l’utilisation de ce dispositif dans le milieu clinique, plusieurs enjeux persistent et risquent d’élargir les disparités sociales dans le domaine de la santé. Par exemple, certaines personnes ayant des niveaux variables de littératie numérique auraient besoin d'un soutien plus important dans l'utilisation des appareils.
Pourquoi avez-vous choisi l’Université d’Ottawa ?
L’Université d’Ottawa représente, pour moi, un milieu académique vibrant dans lequel j’ai l’occasion de faire valoir mes contributions pour le rayonnement de la recherche et de cultiver le savoir en français. J’ai également le privilège de m’entourer de personnes passionnées et de réaliser mes études doctorales dans un endroit au Canada où l’on retrouve le plus grand nombre de chercheuses et de chercheurs francophones qui s’intéressent à l’éducation médicale et particulièrement à l’évaluation.
En savoir plus sur les résultats de la recherche dans sa thèse 'Développement et validation de questionnaires de satisfaction quant à l'utilisation de la téléconsultation auprès des patients et professionnels de la santé en contexte francophone minoritaire.'