Quand vous regardez votre série préférée dans le confort de votre salon, ce qui vous importe probablement avant tout, c’est l’intrigue; ce que vous voulez savoir, c’est ce qui va se passer au prochain épisode.
Vous êtes sans doute à des années-lumière de penser à l’empreinte écologique qu’elle laisse derrière elle. Or, il est scientifiquement prouvé que cette empreinte est énorme : une grande production cinématographique émet en moyenne 3 300 tonnes de dioxyde de carbone (CO2), soit près de 200 fois le volume moyen produit par une seule personne en une année au Canada. Et c’est sans compter les quelque 313 500 tonnes de déchets qui en sont issus, en moyenne.
Ce problème est au centre des préoccupations d’Andrew Robinson (B.A. 1993), consultant principal chez Green Spark Group, une société d’experts-conseils de Vancouver spécialisée dans la conception de stratégies et de systèmes durables pour l’industrie du divertissement.
Les sources de pollution dans l’industrie du cinéma sont multiples : transport, service de traiteur pour tout un plateau, alimentation électrique de toutes sortes d’appareils, etc. « Un plateau de tournage, c’est comme une petite ville, illustre Andrew Robinson. Tout doit aller très vite, et personne n’a le temps de penser aux répercussions sur l’environnement. »
C’est là qu’entre en jeu Green Spark Group. Des producteurs de films ou d’émissions de télévision, des studios et des diffuseurs font appel à son équipe en vue d’améliorer la durabilité des productions tout au long de leur cycle de vie.
Par exemple, ses spécialistes cherchent des moyens de réduire les déplacements entre les lieux de tournage, de remplacer des génératrices au diesel par des technologies propres ou d’offrir un service de traiteur privilégiant les protéines végétales et les contenants réutilisables. En 2019, CBC/Radio-Canada a fait appel à Andrew Robinson pour l’épauler dans l’élaboration de sa stratégie nationale d’écoresponsabilité, qui est maintenant enrichie de plusieurs programmes de formation, outils de collaboration et initiatives.
Le travail de la société d’experts-conseils comporte aussi un volet axé sur la création : convaincre ses clients d’intégrer davantage l’aspect environnemental dans leurs scénarios.
« Nous les encourageons à dépeindre à l’écran un mode de vie plus respectueux de l’environnement », explique Andrew Robinson. Il peut s’agir, par exemple, d’une émission culinaire faisant la part belle aux produits locaux, ou d’une course-poursuite à bord de véhicules électriques.
Le consultant fait remarquer que l’industrie du divertissement a beaucoup contribué à réduire l’alcool au volant et le tabagisme. Pourquoi ne pas user de son influence pour le bien de la planète?
« Nous les encourageons à dépeindre à l’écran un mode de vie plus respectueux de l’environnement. »
Andrew Robinson (B.A. 1993)
L’atout du baccalauréat en communications à l’Université d’Ottawa
Cette vision du changement de discours passe par le récit, qui est au cœur de l’industrie du divertissement et de l’intérêt d’Andrew Robinson. Et les compétences qu’il a acquises au cours de ses études en communications à l’Université d’Ottawa servent bien cet objectif.
Son parcours universitaire commence pourtant dans un tout autre programme : le génie chimique. Après deux ans, il décide de suivre son penchant naturel pour les arts, le divertissement et le journalisme.
« Je me suis dit que les communications sont utiles dans toutes les professions, dit-il. Je m’intéressais beaucoup à l’influence de la communication sur la culture et la société, et à l’utilisation du récit pour véhiculer un message ou une morale. »
Il aurait pu étudier en communications dans n’importe quelle université, mais il a choisi l’Université d’Ottawa pour son bilinguisme. Souvent, il choisissait un cours dans l’une ou l’autre langue en fonction de la personne qui le donnait (et aussi de l’heure où il devrait se lever). Ce généraliste autoproclamé appréciait aussi la possibilité de tâter d’autres disciplines, du génie à la psychologie.
Son ouverture d’esprit et son appétit pour le risque calculé, en plus de sa passion pour les communications et la création de liens, ont tracé sa voie après ses études.
Après avoir travaillé dans le secteur des médias canadiens, il s’est envolé vers Genève pour mettre ses compétences en communications au service d’une des plus grandes organisations de développement durable au monde. Il a ensuite appris les subtilités de la négociation dans le cadre du Programme des Nations Unies pour l’environnement avant d’agir comme consultant en environnement et en développement durable en Afrique de l’Est et à Vancouver.
« Je voudrais que pour chaque scénario dystopique que l’on produit, il existe son pendant qui montre une image positive de l’avenir. C’est une mission qui me passionne. »
Andrew Robinson (B.A. 1993)
Un retour aux sources
Andrew Robinson s’est retrouvé ensuite dans le secteur minier, en tant que consultant en mesures de développement durable. Si son travail lui semblait important, il ne cadrait pas tout à fait avec ses valeurs : « J’étais occupé à réduire au minimum les effets nocifs sur l’environnement, alors que ma véritable ambition, c’était d’apporter des changements positifs », note-t-il.
Un soir, en 2017, alors qu’il assistait à une conférence gratuite à Vancouver sur le thème de l’écoresponsabilité dans l’industrie du cinéma, il a eu une révélation : tout ce dont il était question entrait dans son champ de compétences, mais dans le contexte du cinéma. « Je me suis dit que c’était l’occasion rêvée de revenir à ma passion initiale pour le secteur artistique, un aspect qui me manquait beaucoup à l’époque », se remémore-t-il. Quelques mois plus tard, il entrait chez Green Spark Group.
Aujourd’hui, son travail est diversifié et évolue rapidement. La société vient d’amorcer une collaboration avec Bollywood, au grand bonheur d’Andrew Robinson, qui rêve d’intégrer l’écoresponsabilité dans la production cinématographique partout dans le monde. Il est régulièrement invité à des conférences et à des panels, notamment au Québec et en France, où il peut aisément s’exprimer dans la langue de Molière.
Enfin, il continue d’encourager ses clients à intégrer l’écoresponsabilité dans leurs trames narratives : « Je voudrais que pour chaque scénario dystopique que l’on produit, il existe son pendant qui montre une image positive de l’avenir. C’est une mission qui me passionne », conclut-il.