Panelists in Radio-Canada in Montreal
Modératrice Annie Hudon-Friceau (B.A. 1995) avec Serge Blais (B.A. 1984, MBA pour cadres 2011), Marie-Maude Denis et Alexis De Lancer.
Des sondages ont révélé que la population canadienne se préoccupait de l’intégrité de l’information et des conséquences de la désinformation sur la démocratie. Dernièrement, l’Université d’Ottawa a organisé une table ronde à l’occasion d’un événement pour la communauté diplômée à Montréal. Les spécialistes qui y ont pris part ont exploré les enjeux du journalisme moderne et le rôle des institutions publiques dans la protection de la démocratie.

Réuni à la Maison de Radio-Canada, le groupe était formé de Marie-Maude Denis et d’Alexis De Lancer, grands noms de la scène médiatique canadienne, et de Serge Blais (B.A. 1984, MBA pour cadres 2011), de l’Université d’Ottawa.   

Nous en avons dégagé les cinq grands messages suivants :

1. La désinformation ne se limite pas aux fausses nouvelles

Les panélistes ont souligné que la lutte contre la désinformation ne reposait pas uniquement sur la vérification des faits. « Notre mission n’est pas seulement de vérifier les faits, mais aussi de comprendre les mécanismes de la désinformation et de fournir aux gens les outils pour y faire face », a expliqué Alexis De Lancer, journaliste à Radio-Canada. Il a mis le public en garde contre le rôle de plus en plus important que joue l’intelligence artificielle dans l’amplification des arcs narratifs trompeurs, phénomène qui alimente la polarisation du discours ambiant. 
 

2. L’intégrité journalistique et la confiance envers les institutions sont menacées

Marie-Maude Denis, journaliste d’enquête à Radio-Canada (qu’on peut voir à l’émission de télévision Enquête), a soulevé le fait que la désinformation érodait la confiance du public envers les médias et les institutions démocratiques. « Le Canada ne fait pas assez pour réglementer les médias et lutter contre la désinformation, en particulier face à l’influence des GAFAM [Google, Apple, Facebook, Amazon and Microsoft] sur la télévision », a-t-elle noté. Comme les géants du Web contrôlent la diffusion de l’information, les journalistes doivent se battre plus fort que jamais pour défendre leur crédibilité et renseigner la population. 

Alexis De Lancer in Montreal
Alexis De Lancer, journaliste, parle de la désinformation.

3. Les institutions publiques doivent participer à la lutte contre la désinformation

Serge Blais, directeur général de l’Institut de développement professionnel de l’Université d’Ottawa, défend aussi l’idée qu’il faut étudier l’impact de la désinformation, notamment en ce qui concerne les changements climatiques et la santé publique. « La désinformation crée du doute et affecte la compréhension des enjeux complexes comme la vaccination », a-t-il mentionné. Il a noté que les gouvernements hésitaient malgré tout à imposer un cadre réglementaire pour combattre la désinformation, craignant qu’une telle mesure soit perçue comme une entrave à la liberté d’expression.

4. Les médias sociaux transforment notre manière de consommer les nouvelles

La discussion a également porté sur le fait que les jeunes générations s’informent principalement sur les médias sociaux, ce qui complique les efforts de lutte contre les fausses informations. « Les médias doivent être présents sur les réseaux sociaux, mais cela implique d’utiliser leurs codes », a expliqué M. De Lancer. Il a souligné la longueur d’avance de certains pays, comme la France, qui ont déjà entrepris de former la jeunesse en matière de littératie médiatique – une approche que pourrait adopter le Canada. 

Marie-Maude Denis speaking in Montreal
Marie-Maude Denis, journaliste d’enquête à Radio-Canada, s'exprime sur l'intégrité journalistique.

5. L’intelligence artificielle (IA) est une arme à double tranchant

Le sujet de l’IA est revenu à maintes reprises dans la conversation. Si cette technologie peut analyser de vastes quantités de données, elle permet également la propagation rapide de fausses informations. « L’IA est déjà une partie de la solution, mais elle est aussi une arme à double tranchant », a observé M. Blais. Mme Denis a ajouté que les médias devraient faire preuve de prudence dans leur utilisation de l’IA, allant même jusqu’à proposer l’idée d’un journalisme « exempt d’IA » pour maintenir la crédibilité. 
 

L’événement s’est soldé par un appel aux professionnelles et professionnels des médias, aux décisionnaires et au grand public à travailler de concert pour préserver la vérité et la confiance en journalisme. « Il est important de maintenir la confiance du public envers les médias et les institutions », a souligné Mme Denis. Si la désinformation demeure un enjeu majeur, l’éducation en amont, les mesures réglementaires et le journalisme responsable peuvent contribuer au maintien d’une démocratie résiliente en cette ère du numérique.