J’ai le bonheur d’être entourée de mon mari, Stewart, de mes cinq enfants et dix petits-enfants, de nombreux membres de ma famille de Kitigan Zibi et d’autres communautés algonquines, et de nombreux amis des quatre coins du pays pour célébrer avec moi cette nouvelle étape de ma vie.
Honneur et amour. Je pense à mes parents, mes frères et sœurs et mes grands-parents qui ne sont pas présents de corps, mais qui le sont certainement d’esprit. Je remercie mes bien-aimés grands-parents maternels et paternels, qui ont participé à mon éducation, m’ont conseillée et m’ont appris à écouter, mais aussi à faire entendre ma voix. Je remercie également mes parents pour leur amour et pour m’avoir inculqué le sens des responsabilités et la force.
Toutes ces personnes seraient très fières aujourd’hui, en particulier ma mère. J’honore sa mémoire tous les jours de ma vie. Je dédie ces mots à mes proches qui sont partis dans le monde des esprits, et je rends hommage à mon grand-père maternel, Paddy Chausse, « Daa-da » pour les intimes, qui a été le premier à me prodiguer son amour et ses encouragements.
Je remercie mes enfants et mes petits-enfants, qui partagent leur mère et leur grand-mère avec le monde.
Je remercie mon partenaire pour son soutien indéfectible jour après jour.
Je remercie les membres de ma famille et mes amis, qui m’aiment et qui croient en moi.
L’Université d’Ottawa en pleine évolution
Mes années à l’Université d’Ottawa, comme étudiante puis comme professeure, m’ont transformée. J’ai acquis un savoir et un savoir-faire qui me permettent de contribuer à la vie de ma communauté d’origine, à celle de notre communauté universitaire si énergique, multilingue et diversifiée, de même qu’au monde entier.
J’ai vu cet établissement évoluer, tout comme les étudiantes et étudiants évoluent au fil de leur apprentissage et de leur expérience. Je suis témoin du respect et de la compréhension dont l’Université fait preuve à l’égard de la vérité et de la réalité des Premières Nations, de son ouverture à la culture autochtone et, surtout, du respect qu’elle porte aux peuples algonquins, à leur histoire, à leur territoire et à leur mode de vie.
L’Université d’Ottawa a bien changé depuis mon arrivée, en 1987. À cette époque, on croisait peu de membres des Premières Nations et des communautés autochtones sur le campus; il n’y avait pas beaucoup d’informations sur ces peuples et certainement aucune connaissance ni reconnaissance des peuples algonquins. On n’y trouvait aucun espace ni groupe qui aurait pu procurer un sentiment d’appartenance aux étudiantes et étudiants des Premières Nations et des peuples autochtones.
Je n’en étais nullement étonnée, mais tout de même attristée. Je me sentais comme une étrangère chez moi. Aujourd’hui, tout le monde sait que l’Université d’Ottawa occupe un territoire non cédé appartenant à mon peuple, la Nation algonquine. Je me disais, à l’époque, « ça va changer avec le temps, l’Université va prendre conscience qu’elle occupe un territoire qui ne lui appartient pas et reconnaître les peuples algonquins. » Et nous y voilà : aujourd’hui, l’Université a tissé des liens avec ces peuples.
Oui, l’Université d’Ottawa a bien évolué depuis que j’ai terminé mes études. Certes, il reste du chemin à faire, mais il faut reconnaître ses progrès quant aux questions autochtones. Elle a entrepris la révision de son Plan d’action autochtone, fruit d’une collaboration intra et extra-muros, qui vise à promouvoir les Premières Nations, les Inuits et les Métis, ainsi que leur culture.
L’Université a aussi appuyé la création de plusieurs organes et programmes qui offrent un lieu, une voix et un sentiment d’appartenance aux membres de la population étudiante et du personnel issus de ces communautés. Citons notamment le Centre de ressources autochtones, le Conseil de l’éducation autochtone, le Bureau des affaires autochtones, l’Institut de recherche et d’études autochtones, l’option en droit et en traditions juridiques autochtones de la Faculté de droit, sans oublier la nouvelle communauté d’apprentissage qui ouvrira cet automne à la résidence Thompson. Ce ne sont que quelques exemples d’initiatives qui témoignent des efforts que l’Université d’Ottawa a déployés en relativement peu de temps. Et j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de simples gestes symboliques : toutes ces initiatives sont une véritable marque du respect et de la volonté de réconciliation de la part de l’Université.
Ma vision de chancelière
J’ai mentionné plus tôt l’importance de mes grands-parents dans mon éducation.
Ma grand-mère m’a appris la patience. Elle disait que pour bien faire les choses, il me fallait prendre mon temps. Elle disait aussi que je ne devais jamais laisser personne me prendre ma force.
Mon grand-père, William Commanda, m’a appris à me servir de ma capacité à « commander », à rester fière, à rester forte, et à ne jamais me laisser réduire au silence – et les personnes qui me connaissent ont vu le résultat!
Durant mes années à la chancellerie, je ferai entendre ma voix pour soutenir les étudiantes et étudiants autochtones, pour sensibiliser la communauté universitaire et resserrer ses liens avec les peuples autochtones, pour promouvoir l’identité, la langue et le territoire des peuples algonquins, et pour construire avec toutes et tous des relations fondées sur l’écoute, l’apprentissage et le partage.
Bien qu’elle ait accompli des progrès, l’Université d’Ottawa n’est pas la seule au Canada à soutenir et à accueillir les peuples autochtones et leurs savoirs et, pour dire les choses comme elles sont, d’autres établissements en ont fait davantage. C’est pourquoi, à titre de chancelière, j’entends stimuler l’innovation à l’Université pour promouvoir davantage l’inclusion des Premières Nations et des peuples autochtones, leurs histoires, leur sagesse, leurs vérités et leurs expériences.
J’appelle la communauté universitaire à œuvrer avec moi à la réalisation de ma vision et de ma mission :
- Promouvoir la première langue parlée sur ce territoire, la langue algonquine.
- Soutenir la revitalisation des langues autochtones.
- Établir des « cercles d’apprentissage ».
- Organiser des rencontres avec moi autour d’un thé.
- Promouvoir l’Université partout dans le monde comme le chef de file en matière de diversité et d’intégration des savoirs autochtones.
Cette année marque un jalon important dans les 175 ans d’histoire de l’Université d’Ottawa; c’est l’occasion de porter notre regard non seulement vers le passé, mais aussi vers l’avenir, afin de créer un milieu plus inclusif pour l’ensemble de la communauté étudiante, de célébrer la diversité, de reconnaître et de respecter les valeurs fondamentales et les apports des peuples autochtones, et d’agir en faveur de la réconciliation entre ces peuples et la population canadienne.
Je suis honorée et privilégiée d’occuper aujourd’hui la chancellerie de l’Université d’Ottawa, un établissement qui poursuit sa transformation en vue de valoriser encore davantage la richesse de sa communauté multilingue et diversifiée.
Comme je l’ai évoqué, j’ai contribué à éveiller la conscience de l’Université à l’égard de la Nation algonquine et de l’ensemble des peuples autochtones, de nos droits, de notre histoire, de notre culture et de notre territoire.
Mais une transformation ne se limite pas à apporter un changement. Il faut également semer pour cultiver de nouveaux changements dans l’avenir.
Mes parents et mes grands-parents m’ont appris à écouter et à faire preuve de patience. Avec le temps, ce qui doit arriver arrivera, me disaient-ils. La transformation est un long processus, mais à force de vision, de patience, de détermination et de foi, on finit toujours par atteindre notre but. Comme nos ancêtres qui ont toujours prié pour nous, nous prions pour les sept générations qui forgeront notre avenir. Nos ancêtres nous guident et nous donnent la force de continuer à semer les graines du changement pour améliorer le monde où vivront nos enfants – tous les enfants. Il faut croire en la beauté de la transformation.
J’y crois pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis. J’y crois pour notre communauté universitaire. J’y crois pour notre pays.
Je remercie l’Université d’Ottawa pour la confiance qu’elle m’accorde et la joie qu’elle me procure en me nommant chancelière.
Je remercie chacune et chacun d’entre vous pour votre présence en ce jour qui marque mon installation dans mes nouvelles fonctions, et je vous invite à poursuivre ensemble cette transformation qui perpétuera notre réussite en tant que pédagogues, qu’apprenantes et apprenants, que collègues et que communauté.
Que l’Université d’Ottawa soit guidée par les sept grands-pères, les lois du peuple anichinabé : amour, respect, sagesse, courage, humilité, honnêteté et vérité.
Chi Meegwech. Merci. Thank you.
Claudette Commanda, chancelière, Université d’Ottawa