« Si j’ai eu la chance d’avoir des parents et un mari qui m’ont toujours encouragée par un soutien financier et moral à faire des études, la situation générale en Iran est différente. Le régime d’oppression ne prône pas l’autonomie des femmes; il veut plutôt les maintenir dans les rôles traditionnels », explique-t-elle. « Malgré tout, des femmes continuent de repousser les limites, surtout dans la sphère des études postsecondaires, où on constate un écart surprenant entre les sexes en leur faveur en raison de leur résistance aux restrictions en place. Je vois ce mouvement collectif comme une forme de résistance », ajoute-t-elle.
Dans le cadre de notre série Les universitaire en éducation, nous nous sommes entretenus avec Mahjoub au sujet de son parcours scolaire, de son cheminement vers les études supérieures à l'Université d'Ottawa et du fait qu'elle a été l'une des premières récipiendaires du Programme de bourses d’études en commémoration du vol PS752 d'Affaires mondiales Canada.
Parlez-nous de votre parcours et de ce qui vous a menée aux études doctorales.
Pendant mon baccalauréat en littérature anglaise, que je faisais dans ma province natale, dans le nord de l’Iran, j’ai commencé à enseigner l’anglais langue seconde à des jeunes et à des adultes. Au cours du dernier trimestre, un agent de sécurité m’a arrêtée à cause de la façon dont je portais mon hijab. J’ai eu très peur. Je n’en ai même pas parlé à mes parents parce que je ne voulais pas les inquiéter. Bien que j’étais première de ma classe, mon nom a été retiré de la liste d’admission au programme de maîtrise. J’ai donc redoublé d’efforts et j’ai été acceptée dans une meilleure université. Ça a changé ma vie ! Pour faire ma maîtrise, j’ai déménagé à Téhéran, je vivais seule et j’ai appris à être indépendante. La fin de mes études a été une période très mouvementée. Je terminais mon programme, je préparais mon mariage et j’envisageais d’aller vivre dans un autre pays. Tout arrivait en même temps ! Mais je savais que c’était ce que je voulais. Diplôme en poche, j’ai décidé de réaliser mon plus grand rêve : celui de poursuivre des études doctorales au Canada.
Qu’est-ce qui vous a motivée à vous intéresser aux femmes en STIM ?
Lorsque j’ai terminé mes cours de doctorat, j’ai beaucoup lu sur l’enseignement des STIM et sur la sous-représentation des femmes dans ce domaine. Je m’interrogeais aussi sur mes valeurs et mes intérêts personnels. Un jour, je furetais sur Instagram et je suis tombée sur le profil d’une femme ingénieure iranienne. C’est sa façon de se présenter et de parler de sa carrière, en nous donnant accès à divers aspects de sa vie, qui m’a inspiré l’idée de mon projet de doctorat. Lorsque j’y réfléchis, je pense que ce sujet m’interpelle à cause de mes racines iraniennes. Je viens d’un pays où les femmes se battent pour l’égalité des chances et contre la discrimination et l’oppression. Ce sont mes origines ainsi que le fait d’avoir pris conscience des disparités entre les sexes dans le domaine des STIM partout dans le monde et celui d’avoir appris pourquoi la présence des femmes était essentielle qui m’ont donné envie d’en savoir plus sur les causes sous-jacentes de ce fossé et sur la manière de changer les choses. Et c’est la perspective militante associée à mes travaux de recherche qui me motive.
Donnez-nous un aperçu de votre projet.
J’étudie la façon dont les femmes communiquent leur identité et leur intérêt pour les STIM sur Instagram. Il existe un écart entre les hommes et les femmes dans ce domaine, en particulier en génie et en informatique, mais des études montrent que la présence de modèles pertinents, à qui on arrive à s’identifier, peut changer le statu quo. Pendant de nombreuses années, nous n’avons vu ces femmes d’influence qu’à travers les séries télévisées, les films et les journaux. Aujourd’hui, les médias sociaux offrent une chance inouïe non seulement d’observer des figures de premier plan dans le domaine des STIM, mais aussi d’interagir avec elles. Ils permettent à leurs utilisateurs et utilisatrices, en l’occurrence les femmes en STIM, de raconter leur propre histoire. So, what we see is an unmediated and more realistic image of who they are and their careers.
Avez-vous rencontré des éléments inattendus au cours de ce processus ?
Pendant la collecte de données, les entretiens se sont révélés plus difficiles que ce à quoi je m’attendais et j’ai été étonnée par la variété des points de vue et des thèmes qui ont émergé. J'admire mes participantes d'être si ouvertes et de partager leur parcours, y compris leurs vulnérabilités et leurs défis. Les écouter, en tant que personnes expérimentées, parler de leur carrière dans les STEM et de leur présence sur les médias sociaux a été une expérience totalement nouvelle pour moi.
À qui voudriez-vous que vos recherches profitent ?
Mes recherches pourraient servir aux membres du corps enseignant, ainsi qu’aux décisionnaires qui cherchent des moyens de promouvoir l’enseignement des STIM auprès des filles et des femmes. De plus, j’espère que mon travail encouragera les femmes en STIM qui utilisent déjà les réseaux sociaux à continuer de raconter leur parcours afin d’en motiver d’autres à présenter aussi leur réalité.
Vous avez reçu une bourse d’Affaires mondiales Canada. Parlez-nous de cette distinction.
Le programme de bourses d’études en commémoration du vol PS752 rend hommage à la mémoire des 176 victimes de la catastrophe du vol 2020 de la compagnie Ukraine International Airlines. C'est avec humilité que je fais partie du premier groupe d'étudiants à recevoir cette bourse. Bien que je ne connaisse aucune des victimes, recevoir cette bourse est très significatif pour moi d'un point de vue personnel. La majorité des passagers du vol PS752 se rendaient d'Iran au Canada via l'Ukraine et nombre d'entre eux étaient affiliés à des universités canadiennes, tout comme moi. J'étais en première année de doctorat lorsque cette tragédie s'est produite et, après cela, tout ce que j'ai pensé, c'est que « cela aurait pu être moi ». En même temps, ce n'était pas moi, parce que je suis ici en train de faire un doctorat, alors que beaucoup des personnes qui se trouvaient sur le vol n'ont jamais pu partager leurs réalisations ni leur passion pour leurs projets. Je considère cette bourse comme une grande opportunité pour ma carrière universitaire et comme une énorme responsabilité de saisir toutes les occasions de sensibiliser à la mémoire de ces personnes qui ont perdu la vie et d'honorer leur empreinte. Parmi ces personnes, j'aimerais rendre hommage à des membres précieux de la communauté de l'Université d'Ottawa : Mehraban Badiei Ardestani, Saeed Kadkhodazadeh Kashani et Alma Oladi.
About Golshan Mahjoub
Golshan Mahjoub is a PhD candidate in the Faculty of Education with a research focus on women and STEM education, social media, and identity. She previously earned BA in English language and literature, and an MA in teaching English as a second or foreign language. She works as a Workplace Language Training Facilitator for newcomers to Canada.