L’avenir des protéines durables est… complexe

Développement durable
Société
Quatre images montrent les mains gantées d’un chercheur tenant une boîte de pétri contenant des morceaux de viande; des vaches couchées dans un pré; un assortiment de légumineuses; et différentes espèces d’insectes.
Ryan Katz-Rosene, professeur de science politique, défend la thèse de la complexité en matière de choix alimentaires. Participez à la discussion les 25 et 26 octobre prochains alors que 30 spécialistes seront sur le campus à l’occasion du Forum Alex-Trebek pour le dialogue portant sur l’avenir des protéines.

Par Ryan M. Katz-Rosene

Ryan Katz-Rosene, professeur de science politique, défend la thèse de la complexité en matière de choix alimentaires. Participez à la discussion les 25 et 26 octobre prochains alors que 30 spécialistes seront sur le campus à l’occasion du Forum Alex-Trebek pour le dialogue portant sur l’avenir des protéines.

The Paleoketoveganmacrofasting Diet: Stop the Madness!!! » (le régime de jeûne complet macropaléocétogènevégétalien : mettons fin au délire!!!). Il s’agit du titre amusant d’une récente présentation donnée par Shawn Arent, professeur de kinésiologie à l’Université Rutgers et destinée aux entraîneurs personnels. Pour le commun des mortels, le titre évoque la folie de toutes les pratiques alimentaires émergentes (voire conflictuelles) qui entourent l’apport en protéines. Ces pratiques, qui semblent gagner en popularité en Amérique du Nord, s’appuient sur des croyances différentes quant à ce qui constitue une alimentation « saine », « éthique » et « durable ».

Si la tendance actuelle se maintient, cette folie risque fort de se poursuivre, car une vaste gamme de forces travaillent en coulisse à une refonte complète de l’industrie agroalimentaire mondiale. La population mondiale croissant à un rythme effréné, avec plus de 200 000 nouvelles bouches à nourrir sur la planète par jour, les experts prévoient qu’il sera difficile de répondre à la demande future en aliments nutritifs.

En même temps, des centaines de millions de personnes émergent d’une pauvreté extrême, et l’augmentation des revenus à l’échelle mondiale donne lieu à une croissance importante de la demande en viande, qui constitue traditionnellement la façon dont les humains consomment des protéines. Par conséquent, la pression sur le territoire et les ressources est à la hausse.

Conscience éthique accrue

Un autre problème découle quant à lui de la dégradation et la surutilisation de l’eau, du sol et des forêts. Les pratiques agricoles conventionnelles, qui dépendent grandement des combustibles fossiles, des engrais synthétiques, des pesticides et d’autres ajouts, mettent une pression sur les zones naturelles de la planète et la biodiversité.

Une plus grande sensibilisation au traitement éthique des animaux dans l’agriculture conventionnelle est aussi un facteur de changement alimentaire et culinaire et donne naissance à toutes sortes d’appellations : « nourri à l’herbe », « élevé en plein air », « biologique », « sans hormones », « sans antibiotiques », « viande végétale », pour n’en nommer que quelques-unes. Pendant ce temps, des avancées technologiques (du génie génétique aux cultures de laboratoire) redéfinissent les possibilités de la production alimentaire et déstabilisent par le fait même les marchés agroalimentaires.

Des préoccupations grandissantes (et concurrentes) au sujet du profil nutritionnel des glucides et des gras transforment aussi les conseils nutritionnels sur les sources de protéines à éviter ou à inclure dans une alimentation saine (car les protéines de source végétale et animale ont habituellement un profil nutritionnel différent quant aux macronutriments qu’ils contiennent). Qui plus est, il faut penser à la menace existentielle que représentent les changements climatiques, qui mettent en péril la production alimentaire.

Choisir la complexité

Il y a donc beaucoup d’information à assimiler, même pour les professionnels de la question, sans oublier les gens qui cherchent à faire de bons choix alimentaires sans se ruiner. Même si cette question est fort complexe, il existe beaucoup d’arguments en faveur de l’adoption de cette complexité. Pourquoi? Parce que rien n’est simple en ce monde, et même s’il est certainement valable de faire des choix nutritionnels selon nos convictions, nous simplifions ces dernières à outrance pour qu’elles correspondent à des « règles » alimentaires strictes qui sont habituellement proposées par des personnes qui vivent dans des contextes géographiques et agroalimentaires bien différents des nôtres.

Voici un exemple : après la publication d’une récente étude de métadonnées qui comparait l’empreinte environnementale des sources de protéines les plus courantes, on a demandé à l’un des co-auteurs quelle était la principale leçon à tirer de l’étude. Il a répondu qu’« éviter la viande et les produits laitiers est la meilleure façon de réduire son empreinte environnementale sur la planète ». À première vue, ce conseil semble logique à la lumière des comparaisons de données à l’échelle mondiale présentées dans l’étude, mais en y réfléchissant, on se rend compte que ce conseil universel brosse un portrait monolithique du consommateur d’aliments typique. Ce conseil pourrait s’avérer, tout comme il pourrait être à côté de la plaque : tout dépend du contexte, n’est-ce pas? 

Par exemple, si vous êtes un grand voyageur, si vous chassez ou cultivez vos propres aliments, ne consommez de la viande et des produits laitiers que de temps à autre (et encouragez les producteurs locaux respectueux de l’environnement, ce faisant), ou encore tirez la majeure partie de vos protéines de l’agriculture intensive de soja, il est fort probable qu’il existe des façons plus efficaces de réduire votre empreinte environnementale.

L’exemple ci-dessus concerne les répercussions environnementales des diverses sources de protéines, mais d’autres déclarations empiriques et leur contraire circulent sur les bienfaits éthiques et sanitaires de se tenir loin de certains aliments par rapport à d’autres. Il ne faut pas pour autant abandonner notre quête d’information; il faut plutôt tenir compte de notre propre contexte avant d’accepter les conseils d’un expert qui pourrait ne pas s’adresser directement à nous.

En somme, il serait profitable d’avoir une vision d’ensemble de la complexité des choix alimentaires précis que nous faisons dans nos propres contextes géographiques. C’est une simple question (complexe) de bon sens!