La pandémie a semé des obstacles qui semblaient insurmontables pour l’apprentissage et le bien-être. Les perturbations ont aussi empiré les vulnérabilités dans le secteur de l’éducation. Malgré l’adversité, les chercheuses et chercheurs de la Faculté d’éducation ont mené des initiatives cruciales pendant et après la crise.
Notre corps professoral a assumé des rôles de leadership et de consultation dans le cadre du groupe de travail sur la COVID-19 de la Société royale du Canada ainsi que de ses groupes de travail sur les enfants et les écoles, sur l’impact de la COVID-19 sur les communautés racialisées, et sur la perte des apprentissages. Puisant dans la généreuse bourse de reprise après-COVID de la Fondation Lego, nos chercheuses et chercheurs ont élaboré une initiative bilingue d’apprentissage par le jeu qui a été mise en œuvre dans 41 écoles au pays.
Elles et ils ont été sollicités par les médias, qui souhaitaient obtenir leur expertise sur de nombreux sujets comme l’absentéisme, l’accessibilité, l’intimidation, la non-universalité de l’accès numérique, l’éducation francophone, les inégalités, la perte d’apprentissage, la santé mentale et l’attrition en enseignement.
Leurs réponses durant la crise et les constats de la recherche menée depuis enrichissent encore notre compréhension des dommages causés par la pandémie et des capacités qui se sont développées à ce moment-là.
Nous nous sommes entretenus avec cinq professeures, chacune d’un domaine d’expertise différent, sur leur perspective de l’après-pandémie. Voici ce qu’elles avaient à nous dire sur les leçons qu’on a pu retirer.

Repenser les ressources, mettre de l’avant l’aspect ludique
« Je crois que nous avons appris que l’instruction à distance, imposée d’urgence lors d’une crise sanitaire qui vient tout chambouler dans la vie des enfants, n’est pas l’approche la plus saine. Il était essentiel à l’époque de respecter les mesures de santé publique, mais les systèmes d’éducation n’avaient pas les ressources qu’il fallait pour répondre aux besoins continus et évolutifs des enfants, des adolescentes et adolescents et de leurs familles », affirme Michelle Schira Hagerman, directrice du programme de formation à l’enseignement et fondatrice de l’edstudiO.
« Je retiens de mes propres recherches l’apprentissage par le jeu est un volet essentiel du retour à la normale après la crise. La pandémie a également exposé les inégalités préexistantes dans l’accès aux ressources numériques, la littératie numérique et les infrastructures d’Internet haute vitesse pour les jeunes en milieu rural. Des investissements ont été faits un peu partout au Canada pour amener une meilleure connexion Internet hors des centres urbains, mais un fossé numérique persiste. »
Mettre au jour les inégalités numériques
Pour Megan Cotnam-Kappel, détentrice de la Chaire de recherche sur l’épanouissement numérique des communautés franco-ontariennes, la pandémie a levé le voile sur des inégalités dans l’éducation francophone qui passaient jusqu’alors sous le radar.
« Mes travaux durant la pandémie ont révélé que les inégalités qui sont apparues au grand jour lors du passage d’urgence à l’enseignement numérique existaient déjà, mais simplement de manière invisible. Le personnel enseignant a braqué les projecteurs sur les problèmes d’accès, de formation et d’autonomie qui ont été exacerbés par la crise, et qui persistent encore aujourd’hui. »
« Ces problèmes étaient encore plus prononcés pour les communautés francophones de l’Ontario, qui endurent l’iniquité des ressources numériques – pensons entre autres au manque de matériel en français et à l’absence du répertoire linguistique nécessaire pour contribuer et participer à la vie en ligne », relate la chercheuse.
Et de conclure : « La situation montre bien l’importance d’avoir des solutions inclusives, adaptées aux contextes minoritaires, pour favoriser une participation numérique équitable. »
L’apprentissage en ligne, avant et après
« Voilà plus d’une vingtaine d’années que l’Université d’Ottawa enseigne en ligne aux étudiantes et étudiants inscrits à nos programmes en français, mentionne Nathalie Bélanger, directrice de l’Observatoire sur l’éducation en contexte linguistique minoritaire (OÉCLM). Tout ce temps, nous avons pu profiter de salles de classe spécialement équipées et surtout du soutien de toute une équipe professionnelle, qui offrait une assistance technique sur place. »
« Avec le confinement, il a fallu que nos collègues et nos étudiantes et étudiants s’habituent en masse à des plateformes qu’ils ne connaissaient pas, et ce rapidement. Dans notre Faculté, nous avions la chance de pouvoir compter sur une incroyable spécialiste des technologies éducatives, Elizabeth Saint, qui en a aidé plusieurs à s’orienter dans le cyberespace. »
Tout n’est pas rose, avertit toutefois la professeure Bélanger. « Oui, l’évolution constante de la technologie nous permet d’imaginer différentes méthodes d’enseignement et d’apprentissage, mais il faut trouver le bon équilibre pour éviter que les étudiantes et étudiants se sentent isolés. Et dans le contexte d’instabilité actuel, je m’inquiéterais de tout recours exclusif à des plateformes qui nous viennent des États-Unis. »
Stress et avantages pour les apprenantes et apprenants ayant un handicap
Selon ce qu’observe Jess Whitley, titulaire de la Chaire de recherche de l’Université sur l’inclusion, la santé mentale et l’assiduité scolaire, le bilan est mitigé pour les communautés avec qui elle travaille.
« J’ai beaucoup appris sur la capacité des familles à épauler leurs enfants lors des périodes de grand stress. Mes travaux portent principalement sur les jeunes ayant un handicap, nous dit-elle, et l’éventail de leurs expériences de l’apprentissage en ligne et de la pandémie en général est extrêmement diversifié. »
« La plupart des familles l’ont vécu très durement et ont subi un stress énorme, mais plusieurs ont aussi pu s’épanouir. Moins de transitions dans une journée, horaires assouplis, pressions sociales atténuées, apprentissage personnalisé... il y a des aspects qui ont bien profité à certains jeunes et à leur famille. Ce sont des constats qui peuvent nous éclairer alors que nous repensons le système d’éducation et le filet social au-delà de la pandémie. »
Appui aux enfants et à la jeunesse
Lorsque le SRAS-CoV-2 a été déclaré pandémie mondiale, Tracy Vaillancourt, titulaire la Chaire de recherche du Canada en santé mentale et en prévention de la violence en milieu scolaire, a concentré ses efforts sur la sensibilisation aux besoins des enfants pendant cette crise à travers la recherche, l'élaboration de politiques et la mobilisation des connaissances. Elle a présidé le groupe de travail sur les enfants et les écoles de la SRC, qui a produit un rapport politique détaillé sur les enfants et le personnel enseignant pendant la pandémie. La professeure Vaillancourt a également dirigé le groupe de travail COVID-19 de la SRC, qui a supervisé des rapports de politiques publiques allant des soins intensifs à la surveillance des eaux usées. Ces rapports ont soutenu le rétablissement du Canada après la pandémie dans tous les aspects de la vie, de l'économie à la santé des autochtones. Elle dirige actuellement le groupe de travail sur la perte des apprentissages de la SRC, en partenariat avec la Commission canadienne de l'UNESCO.
« Les principales leçons tirées de la pandémie comprennent la reconnaissance du rôle vital de l'éducation, l'importance de recueillir de données pour surveiller les besoins de la population et cibler le soutien aux plus vulnérables, et la valeur de la transparence sur ce qui fonctionne - et ce qui ne fonctionne pas - pour renforcer la confiance du public dans la prise de décision fondée sur des données probantes », explique Vaillancourt.