Pour les athlètes, le succès n’est pas toujours synonyme de bonheur, surtout dans un sport solitaire comme le tennis. En témoignent l’ancienne championne mondiale Naomi Osaka, qui revient sur le terrain après une pause de près de deux ans, et la joueuse canadienne Bianca Andreescu, qui a parlé publiquement de ses problèmes de santé mentale.
Tennis Canada, l’Université d’Ottawa, À nous le podium, le Centre canadien de la santé mentale et du sport (CCSMS) et Plan de match collaborent depuis vingt mois en vue d’élaborer, de déployer et d’évaluer une stratégie globale à long terme pour la santé mentale et le mieux-être des athlètes, de leurs parents, des entraîneuses et entraîneurs et des membres du personnel de Tennis Canada.
Tennis Canada est le premier organisme national de sport à adopter une telle stratégie, qui s’inspire de la Stratégie en matière de santé mentale pour le sport de haut niveau au Canada et des travaux dirigés par Natalie Durand-Bush, professeure à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa et directrice générale du CCSMS, qui possède plus de vingt ans d’expérience à titre de chercheuse et de consultante en performance mentale certifiée auprès d’athlètes et d’entraîneuses et entraîneurs, notamment pour les Sénateurs d’Ottawa.
Mikaela Papich, doctorante à l’École des sciences de l’activité physique de l’Université d’Ottawa, a participé à la recherche à toutes les étapes de ce projet innovant, auquel elle a apporté son point de vue d’athlète. En effet, cette ancienne joueuse de tennis de première division du circuit collégial des États-Unis a mis un terme à sa carrière après avoir subi des blessures physiques et des problèmes de santé mentale.
Les deux femmes nous ont parlé de leur travail dans le cadre de ce projet.
« Notre collaboration fera avancer les connaissances sur la santé mentale dans les milieux sportifs et améliorera le soutien à toutes les parties intéressées. »
Natalie Durand-Bush
— Professeure à la Faculté des sciences de la santé et directrice générale du CCSMS
Question : Qu’est-ce qui motive Tennis Canada à élaborer cette stratégie pour ses athlètes, leurs parents, ses entraîneuses et entraîneurs et son personnel?
Mikaela Papich : C’est la victoire de Bianca Andreescu, première Canadienne à remporter l’US Open en 2019, qui a marqué les consciences. Alors que le monde entier avait les yeux braqués sur elle, elle a décidé de mettre sa carrière entre parenthèses par manque de passion. Sa décision a provoqué une onde de choc : c’était la preuve que le succès n’avait pas toujours un effet positif sur la santé mentale. On a pris conscience qu’il ne suffit pas d’intervenir en cas de crise; il faut agir en amont, créer un réseau de soutien préventif et proactif qui veille sur la santé mentale des athlètes. Il faut leur offrir un environnement sûr, qui favorise à la fois leur bien-être et leur succès. Il faut prendre soin des athlètes et s’assurer que tout va bien.
Natalie Durand-Bush : Avec ce projet, Tennis Canada répond à des besoins et comble les manques identifiés au sein de sa communauté. Après le lancement de la stratégie nationale pour la santé mentale, en 2001, l’organisme a demandé du soutien pour participer à la mise en œuvre de solutions visant à améliorer le bien-être de ses membres. Depuis sa fondation en 2018, le CCSMS fournit des services, des ressources et du soutien efficaces, en plus de produire des études de haute qualité sur la santé mentale dans les milieux sportifs. Tennis Canada nous a demandé de créer une feuille de route globale et systématique en vue d’améliorer la santé mentale de toutes les personnes sous son égide. C’est, à notre connaissance, la première fois qu’un organisme de sport s’engage dans un projet d’une telle ampleur, d’une telle profondeur et d’une telle rigueur, et nous espérons en voir d’autres lui emboîter le pas.
Q : Tennis Canada adopte une approche proactive à l’échelle du pays. Comment a-t-elle été appliquée?
N. D.-B. : À ce jour, Tennis Canada est le seul organisme de sport à s’être appuyé sur la stratégie nationale pour la santé mentale. Il a suivi un processus approfondi et systématique entièrement nouveau, qui s’est révélé crucial. Dans la phase de conception de ce projet, nous avons formé une équipe de direction et créé un groupe de travail où sont représentés tous les secteurs de l’organisme, qui orienteront les efforts et formuleront des commentaires à diverses étapes du processus. Nous avons tenu de nombreuses réunions et présenté des outils et des processus visant à identifier les besoins, les manques, les priorités et les mesures à prendre, qui ont été très utiles dans l’élaboration de la stratégie. Il a été question de leadership, de communication, d’aide financière, de promotion de la santé mentale, de prévention, de traitement et d’évaluation, entre autres.
M. P. : Cette stratégie rigoureuse se fonde sur la science et la recherche, et nous effectuons un suivi pour améliorer les processus afin que des mesures concrètes soient prises dans le milieu du tennis. Ce n’est pas une mince tâche de mobiliser tout un organisme, mais c’est parti : Tennis Canada a déjà créé une section sur la santé mentale dans son site Web, invité ses entraîneuses et entraîneurs à suivre les ateliers du CCSMS sur la santé mentale, offert des formations sur les premiers soins en santé mentale en engagé une directrice du mieux-être. C’est un très bon début.
« Il y a une importance à la sensibilisation des parents et des entraîneuses et entraîneurs, afin d’en faire de véritables alliés pour les jeunes. Il n’y a pas que la performance/résultats qui comptent. »
Mikaela Papich
— Doctorante à l’École des sciences de l’activité physique et ancienne joueuse
Q : En matière de santé mentale des athlètes, qu’est-ce qui différencie le tennis des autres sports?
M. P. : Le tennis est un sport très solitaire, ce qui peut peser sur l’aspect psychologique. Les personnes qui le pratiquent mettent la barre très haute et doivent avoir une solide résistance mentale. Elles se spécialisent très tôt et voyagent beaucoup, loin de leur famille, de leurs proches et de l’école; il est difficile dans ces conditions d’entretenir des relations étroites. En tant que soutiens importants, les entraîneuses et entraîneurs doivent maintenir des relations saines avec les jeunes athlètes.
La pression de la part des entraîneuses ou entraîneurs ou des parents peut avoir un effet positif ou négatif sur la santé mentale des jeunes athlètes. En effet, bon nombre de parents s’investissent beaucoup et encouragent leur enfant, mais leur comportement peut aussi lui causer du stress. La stratégie accorde donc une grande importance à la sensibilisation des parents et des entraîneuses et entraîneurs, afin d’en faire de véritables alliés pour les jeunes. Il n’y a pas que la performance et les résultats qui comptent.
Q : De quelle façon ce projet pourrait-il servir vos activités de recherche?
N. D.-B. : Ce projet influencera le type de soutien que nous apporterons à d’autres organismes qui souhaitent établir un plan, des programmes ou des politiques visant à utiliser la santé mentale comme un outil pour améliorer la performance et stimuler la réussite. Nous surveillons en temps réel la mise en œuvre de la stratégie de Tennis Canada, et nous évaluerons l’efficacité du programme en termes d’amélioration de la santé mentale pour les athlètes, leurs parents, les entraîneuses et entraîneurs et les membres du personnel. Nous sommes convaincues que toutes ces personnes bénéficieront des fruits de ce travail. Plusieurs autres activités de recherche sont en cours au CCSMS et avec d’autres collègues au Canada et à l’étranger. Notre collaboration avec Tennis Canada fera avancer les connaissances sur la santé mentale dans les milieux sportifs et améliorera le soutien à toutes les parties intéressées.
La stratégie sera déployée au Centre national de tennis présenté par Rogers et dans les équipes nationales en 2024, dans l’ensemble de la structure de compétition en 2025, puis dans les écoles et les clubs provinciaux en 2026.
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