La collection des Archives canadiennes du mouvement des femmes, conservée aux Archives et collections spéciales de la Bibliothèque de l’Université d’Ottawa, est définitivement l’une de ces sources. Inscrite au registre de la Mémoire du monde du Canada de la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO), la collection fait désormais partie de la mémoire nationale du pays. Elle livre un témoignage vivant non seulement de la résistance, de la solidarité et du progrès des femmes en général, mais aussi des batailles menées et des victoires remportées par des femmes partout au Canada. Elle propose plus qu’une façon de préserver l’histoire : elle jette une lumière sur le présent et offre des leçons en préparation des luttes à venir.
Pascale Dangoisse, professeure à temps partiel à l’Université d’Ottawa, se souvient de sa première visite aux Archives et collections spéciales pour fouiller dans les Archives canadiennes du mouvement des femmes en tant qu’assistante de recherche. L’histoire s’animait sous ses yeux et ne se limitait plus à des mots sur une page : elle prenait forme dans des lettres écrites à la main pour témoigner d’expériences vécues, dans des pancartes autrefois portées à bout de bras dans les rues, et dans les voix des activistes captées sur de vieux enregistrements. Quelque chose en elle s’est allumé. « Pour moi, les archives ont été comme une bouffée d’air frais, se rappelle-t-elle. Elles m’ont aidée à comprendre que je n’étais pas seule, que d’autres avant moi avaient été confrontées aux mêmes difficultés et que le changement était possible par l’action collective. »

« Les archives m’ont aidée à comprendre que je n’étais pas seule, que d’autres avant moi avaient été confrontées aux mêmes difficultés et que le changement était possible par l’action collective. »
Pascale Dangoisse
— Professeure à temps partiel à l’Université d’Ottawa
Un témoignage vivant de la lutte féministe
Un des aspects de la collection qui surprend le plus, c’est la façon dont elle met en évidence des styles d’activisme qui sont toujours pertinents aujourd’hui. Elle documente la lutte pour l’équité en matière d’emploi et contient des lettres, des propositions de politiques et des témoignages de femmes réclamant des salaires justes et la fin de la discrimination au travail.
Elle témoigne également des campagnes pour la légalisation de l’avortement, de l’organisation autour de l’accès à la contraception et du travail de terrain effectué en vue de soutenir les femmes quant aux choix qu’elles devraient avoir au sujet de leur propre corps.
Pour Christabelle Sethna, professeure à l’Université d’Ottawa, ces archives ont joué un rôle clé dans le cadre de son travail sur la justice reproductive « Cette collection abrite un trésor de sources primaires en lien avec l’histoire des mouvements des femmes au Canada. Elle m’a servie dans le passé, elle continue de me servir actuellement et elle me servira quand je poursuivrai mes propres travaux de recherche dans l’avenir. »

« Cette collection est un trésor de sources primaires en lien avec l’histoire des mouvements des femmes au Canada. »
Christabelle Sethna
— Professeure à l’Université d’Ottawa
Des manifestations à la programmation : le féminisme et la recherche fondée sur l’IA
La collection raconte une histoire plus vaste : une histoire de solidarité, de réseaux et de sororité. De femmes de différentes provinces et de divers parcours de vie unies par des luttes communes, qui mettent sur pied des coalitions couvrant plusieurs générations. La sororité et le soutien étaient alors plus que des slogans : ils formaient la base même du changement. Ils nous rappellent aussi que l'action collective était, et reste, la clé du progrès.
L’activisme n’avait pas pour seul objectif de changer les politiques; il visait à transformer les personnes. « La collection met en lumière les retombées personnelles de l’activisme : on y voit des femmes qui trouvent leur voix, qui développent leur leadership et qui repensent leur identité grâce au mouvement », affirme la professeure.
Cet héritage d’émancipation s’étend au-delà de l’activisme. Pascale Dangoisse, par exemple, se sert des Archives canadiennes du mouvement des femmes pour effectuer des recherches sur l’intelligence artificielle au Laboratoire de données en sciences humaines numériques, sous la direction de la professeure Constance Crompton.
Par une analyse de documents historiques féministes, elle contribue à construire des langages informatiques qui reflètent mieux la complexité des identités humaines, et remet en question les catégories rigides souvent imposées par les systèmes d’intelligence artificielle et les langages informatiques binaires. « Les ordinateurs ont tendance à classer les gens selon des identités fixes : homme ou femme, Blanc ou Noir. Mais la collection des Archives canadiennes du mouvement des femmes nous montre que les identités sont fluides, façonnées par des contextes historiques et sociaux. Mes recherches s’appuient sur ces documents pour développer une IA qui comprend mieux la complexité humaine ».
Ce lien inattendu entre l’activisme et la recherche basée sur l’IA montre que le passé ne reste pas statique dans les archives. Les stratégies, les débats et les défis féministes conservés dans les Archives canadiennes du mouvement des femmes alimentent les outils que nous construisons et font ressortir les préjugés que nous devons démanteler.
La mémoire d’une responsabilité collective
La collection des Archives canadiennes du mouvement des femmes offre un accès direct et sans filtre à l’énergie et à la diversité de l’activisme féministe par le biais de journaux, de brochures, de pancartes, de banderoles, de boutons et d’enregistrements sonores de femmes qui élaborent des stratégies, débattent et se mobilisent. Ses documents témoignent de l’évolution des mouvements féministes et offrent un regard intime et de première main sur l’histoire.
Mais les archives relatent plus qu’une simple histoire : elles sont un appel à l’action. Quand vous fouillez dans les Archives canadiennes du mouvement des femmes, en personne ou en ligne au moyen de la base de données des Archives des femmes, que vous feuilletez (ou faites défiler) les pages d’un bulletin féministe ou que vous écoutez les voix déterminées de militantes enregistrées il y a des décennies, vous ne faites pas que poser les yeux sur le passé – vous vous trouvez dans un espace où l’histoire continue de parler, vous incitant à écouter, à apprendre et à agir.
Merci à Christabelle Sethna, Pascale Dangoisse, au personnel des Archives et collections spéciales et aux anciennes archivistes des Archives canadiennes du mouvement des femmes (dont Nancy Adamson) pour leur participation.
Au sujet des Archives canadiennes du mouvement des femmes
Les Archives canadiennes du mouvement des femmes ont été créées en 1982 par le Women’s Information Centre Collective de Toronto. Le collectif a fait don en 1992 du matériel qu’il avait accumulé aux Archives et collections spéciales de la Bibliothèque d’Ottawa. Les Archives canadiennes du mouvement des femmes ont par la suite mené à la création de l’actuelle collection d’archives des femmes. La collection des Archives canadiennes des femmes est la première collection d’un corpus désormais vaste de plus de 196 fonds d’archives provenant d’organisations et de personnes qui ont contribué au progrès des femmes au Canada et dans le monde.