Myra Beaudoin Bertrand, directrice de la recherche et de l’évaluation chez Jazz Pharmaceuticals, à Denver, au Colorado (É.-U.), a grandi sur une ferme bovine, près de L’Ange-Gardien, dans l’Outaouais. L’idée de gravir l’Everest lui est venue à 11 ans. « J’ai eu une enfance assez difficile et je me rappelle être sur mon vélo et penser, un peu en farce, que si j’arrivais à passer au travers de ce que je vivais à ce moment-là, je serais capable de gravir l’Everest un jour. » Une trentaine d’années plus tard, sa blague est devenue réalité. Au printemps 2024, cette passionnée de plein air a gravi l’Everest, le sommet le plus élevé du monde (8 849 mètres) dans l’Himalaya, à la frontière du Népal et du Tibet.

« Les deux années qui ont précédé mon ascension, j’ai escaladé une montagne de plus de 4 000 mètres et fait de l’escalade de roche chaque semaine, ainsi que du yoga et de la nage rapide quotidiennement », explique-t-elle. « Le Colorado, avec ses 54 sommets de plus de 4 200 mètres, est un endroit idéal pour s’entraîner en haute montage. J’ai skié sur chacune de ces montagnes, en plus d’en avoir grimpé plusieurs autres en Amérique du Sud et au Népal. »
En compagnie d’une équipe experte de l’entreprise Alpenglow, elle a monté le versant nord de l’Everest et atteint le sommet en 22 jours seulement, grâce à huit semaines d’acclimatation à la maison à l’aide d’une tente de haute altitude. « Le plus grand danger de l’Everest, c’est le manque d’oxygène. C’est un risque que j’avais toujours en tête. » Sur le toit du monde, elle a admiré la vue époustouflante et a appelé ses deux enfants. Durant son périple, elle a eu aussi la chance de descendre le col nord de l’Everest en ski (7 000 mètres d’altitude).

De Gatineau au Colorado
Myra Beaudoin Bertrand a fait partie de la poignée de francophones de la première cohorte du bac en biopharmaceutique de l’Université d’Ottawa. « Je souhaitais travailler en laboratoire dans le milieu pharmaceutique pour participer à l’invention de médicaments et améliorer la vie des patients et patientes. Certains de mes proches étaient atteints de sclérose en plaques et de cancer, et j’avais pu constater les conséquences de la maladie et l’impact que pouvaient avoir les produits pharmaceutiques et les nouvelles découvertes. »
Elle a beaucoup aimé son programme d’études, qui lui a permis d’explorer notamment la biologie, la biochimie et la chimie organique – sa matière favorite. De l’Université d’Ottawa, elle garde un excellent souvenir de Louis Barriault, actuel doyen de la Faculté des sciences, qui a été son professeur de chimie organique. Elle tient aussi à souligner « l’incroyable » régime coop, grâce auquel elle a pu trouver un stage à Boston. « J’ai eu la piqûre des États-Unis! Au cours de mon deuxième stage à Carlsbad, en Californie, j’ai réalisé qu’il me fallait un doctorat pour pouvoir travailler en recherche pharmaceutique et être cheffe de projet. J’ai donc présenté des demandes à plusieurs programmes de doctorat en chimie organique aux États-Unis et au Canada, et j’ai eu le grand honneur d’être accepté à l’Université du Michigan, où j’ai décidé d’aller faire mes études supérieures. »
Par la suite, cette grande curieuse a travaillé pendant une dizaine d’années en chimie thérapeutique pour l’entreprise Bristol Myers Squibb, au New Jersey. Peu à peu, elle a pris conscience de son intérêt pour les affaires et de son désir de travailler davantage avec les gens. La maîtrise en administration des affaires (MBA) qu’elle a obtenue a changé le cours de sa carrière. « Cette formation m’a permis de travailler au sein d’équipes de l’entreprise qui évaluent le marché pour acheter d’autres compagnies (fusion et acquisition) ou des molécules (en licence) pour aider nos patients », explique-t-elle, visiblement passionnée par son travail.

Tout est possible
Dans les prochaines années, elle aimerait faire du ski de montagne pour escalader le mont Logan (5 959 m), au Yukon, et Cho Oyu (8 188 m), en Chine. Et désormais, elle n’a plus rien à se prouver. « Les montages me parlent différemment depuis l’Everest », confie-t-elle. « Avant, elles m’inspiraient à me dépasser, à surmonter toutes mes peurs, mais aujourd’hui, je n’ai pas honte de rebrousser chemin si je constate qu’il y a trop de risques. J’écoute la montagne quand elle me dit de prendre soin de moi. »
Si les montagnes lui ont transmis beaucoup, c’est à son tour de devenir une passeuse de sagesse. À l’automne 2024, elle est retournée sur les lieux de son adolescence, à l’École secondaire Hormidas-Gamelin, à Buckingham, pour présenter son ascension aux élèves. Son professeur de chimie au secondaire était de la foule, qui a acclamé l’ancienne étudiante. « Je voulais boucler la boucle là où tout a commencé », raconte-t-elle. « Je redescends lentement de la joie de cet événement. Si mon histoire peut encourager juste un élève à réaliser son rêve, ce serait super. Tout est possible si l’on y croit et que l’on travaille fort. Il ne faut jamais arrêter de rêver. »
