David Landry est professeur adjoint à l’École interdisciplinaire des sciences de la santé, membre de la communauté de la Première Nation des Pekuakamiulnuatsh de Mashteuiatsh, de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick et membre de l’institut de recherche LIFE. Dans un nouveau projet de recherche, il s’intéresse aux effets négatifs du cannabis sur la fertilité et le développement humain, mais aussi à l’usage thérapeutique de la molécule de CBD pour traiter le syndrome des ovaires polykystiques et prévenir la fibrose ovarienne et le développement des cancers de l’ovaire.
CBD et production hormonale
Le cannabis est composé de deux molécules principales : le tétrahydrocannabinol (THC), responsable des effets psychoactifs comme l’euphorie, et le cannabidiol (CBD), dont les propriétés sont davantage relaxantes et apaisantes. Le professeur Landry rappelle que contrairement au THC, le CBD n’a pas d’effets psychoactifs, ne mène pas à une dépendance et est très bien toléré chez l’être humain.
La molécule de CBD agit néanmoins sur les récepteurs intrinsèques de notre corps, et notamment sur la fertilité des femmes. Selon David Landry, « plus de 50 % des femmes en âge de reproduction ont utilisé du cannabis dans les 30 derniers jours. Or, le cannabis aurait un effet néfaste sur la production des hormones sexuelles chez les femmes, et donc sur la fertilité de celles-ci ». L’utilisation fréquente de cannabis peut ainsi contribuer à l’infertilité, un problème de plus en plus commun, selon le chercheur. En effet, il rappelle que l’infertilité concernerait aujourd’hui 10 à 15 % des couples canadiens, un chiffre en constante augmentation.
Cet aspect négatif du cannabis peut cependant devenir bénéfique dans le cas de pathologies provoquant un surplus d’hormones, comme le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), une maladie hormonale qui touche 8 à 13 % des femmes selon l’Organisation mondiale de la Santé. L’utilisation du CBD pourrait aider à réduire la production d’hormones chez les femmes atteintes de ce syndrome.
« Le SOPK est une maladie très commune chez les femmes en âge de reproduction, mais complexe et sous-évaluée », explique le professeur. « Pour établir un diagnostic de SOPK, il faut que deux des trois symptômes suivants soient présents : une production d’hormones mâles excessive (hyperandrogynie), des irrégularités dans le cycle menstruel, et un nombre de follicules par ovaire supérieur à dix. Le SOPK peut mener à des kystes de l’ovaire, une hyperpilosité, de l’acné, une obésité, ou encore des fausses couches à répétition. Il s’agit de la première cause d’infertilité chez les femmes, et environ une femme sur dix serait concernée. » Face à ces défis de santé, la recherche de nouvelles solutions thérapeutiques, telles que le CBD et ses dérivés synthétiques, est une avenue à explorer.
Un allié inattendu contre le cancer de l’ovaire
En plus de l’effet du cannabis sur la production des hormones, David Landry s’intéresse également à l’impact du CBD sur la progression et le développement des cancers de l’ovaire. Le CBD pourrait en effet permettre de réduire la prolifération des cellules cancéreuses de l’ovaire et même de rendre sensibles les cellules résistantes à la chimiothérapie. C’est ce qu’on appelle « un processus de chimiosensibilisation, c’est-à-dire que lorsque l’on traite une cellule cancéreuse avec du CBD, elle devient plus sensible à la chimiothérapie », explique-t-il.
Le professeur rappelle que le CBD est aujourd’hui fréquemment utilisé pour apaiser les symptômes de la chimiothérapie, par exemple pour réduire le risque de malaises. Cependant, cette étude pourrait démontrer l’intérêt du CBD pour réduire la concentration de chimiothérapie ou pour cibler les cellules cancéreuses résistantes au traitement. En effet, les cellules cancéreuses non éliminées tombent souvent en dormance, avant de redevenir un cancer quelques années plus tard, menant à une rechute.
Si les essais n’ont pas encore été réalisés, les données préliminaires sont prometteuses, selon le chercheur. En effet, elles indiquent déjà l’effet positif du CBD sur la chimiosensibilisation et la diminution de la prolifération du cancer, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles pistes de traitement. Cela n’a néanmoins pas encore été prouvé dans le cas du cancer de l’ovaire.
Des tests précliniques sur des souris
Pour vérifier ses hypothèses de recherche, David Landry prévoit réaliser des tests in vitro avec des lignées cellulaires de cancers, puis in vivo sur des souris. Après qu’on ait simulé chez elles un cancer de l’ovaire, les souris seront traitées avec différentes doses de CBD et de chimiothérapie. Pour ce faire, elles seront incitées à ingérer oralement le cannabis, qui sera mélangé avec du Jell-O.
Si les résultats sont encourageants, des études cliniques sur des êtres humains pourront ensuite être réalisées. Selon David Landry, il peut néanmoins être difficile de transposer des résultats de recherche des souris aux êtres humains : « si cela fonctionne sur les souris, cela ne veut pas dire que ça fonctionnera chez les humains. Il y a extrêmement de variations génétiques chez les humains, alors que les souris sont toutes identiques génétiquement ». Tout comme pour le développement de n’importe quel autre médicament, il y a donc toujours un risque.
Si les recherches du professeur Landry s’avèrent concluantes, elles pourraient marquer une avancée majeure dans la lutte contre le cancer de l’ovaire, offrant ainsi un nouvel espoir aux millions de patientes concernées. David Landry rappelle néanmoins que l’utilisation thérapeutique du CBD doit être faite de manière responsable et sous surveillance médicale.