Québec lance une consultation sur l‘abolition de l'heure d'été

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Feuilles autour d'une horloge
Katie Harp (Unsplash)
Le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, a annoncé une consultation publique sur l'abolition de l'heure d'été, une pratique adoptée il y a 74 ans partout au Canada qui cause des problèmes de santé mentale et physique importants tout en affectant le bien-être général de la population.

Le Réseau québécois de recherche sur le sommeil, le Consortium canadien de recherche sur le sommeil, la Société canadienne du sommeil et la Société canadienne de chronobiologie applaudissent le ministre Jolin-Barrette pour avoir soulevé la question du changement d’heure. Afin de partager des informations scientifiques clés et de démystifier les impacts multidimensionnels du changement d'heure, ces organisations préparent un mémoire pour le gouvernement du Québec et lanceront un webinaire et un forum de discussion pour informer le public sur cet enjeu complexe.

La professeure Rébecca Robillard, coprésidente du Consortium canadien de recherche sur le sommeil, appuie cette mesure qui pourrait avoir des avantages majeurs pour la santé, notamment pour la santé neurologique et cardiovasculaire, la santé mentale et même les grossesses.

« Ce n'est pas un problème de sommeil, c'est un problème de santé publique. Toutes les données probantes indiquent qu’il est dans le plus grand intérêt pour la santé publique d’abolir le changement d’heure et de demeurer à l’heure normale de manière permanente. L’heure naturelle définie par le soleil est la meilleure option pour la santé, l’humeur, la sécurité, l’éducation et la productivité. »


Question : Pourquoi est-il essentiel de rester à l’heure normale permanente ?
Rébecca Robillard : « Lors des jours d’hiver où le lever du soleil est plus tardif, notre horloge biologique est décalée plus tard, ce qui provoque un décalage entre notre horloge sociale et notre horloge biologique, Ceci nous force à nous lever plus tôt que le moment où notre corps est prêt. Si nous adoptions l’heure d’été permanente en hiver, ce serait encore pire, car cela nous obligerait à nous réveiller une heure plus tôt par rapport au soleil que nous le ferions à l’heure normale. Cela obligerait la plupart des gens à commencer l’école ou le travail avant le lever du soleil pendant un tiers de l’année. Ce que les gens ne réalisent souvent pas, c’est que c’est la lumière du matin qui est critique pour le bien-être, la santé et la productivité. En élargissant l’écart entre notre horloge biologique interne et les horloges sociale et environnementale, l’heure d’été permanente crée un « décalage horaire social » associé à un risque accru d’obésité, de syndrome métabolique, de maladies cardiovasculaires, de dépression, ainsi qu’à une baisse des performances et à des risques plus élevés d’accidents. Par exemple, dans certains pays qui ont essayé de passer à l’heure d’été permanente, on a observé une augmentation de la dépression hivernale chez les adolescents, qui s’est considérablement atténuée après le retour à l’heure normale permanente. »


Q : Quels sont les impacts du changement d’heure ?
RR : « L’horloge biologique et ses fonctions physiologiques forment un système délicat et sophistiqué régulé par le cycle lumière-obscurité. Ce système affecte non seulement le sommeil, mais aussi plusieurs processus de régulation à travers le corps, comme les systèmes immunitaire, circulatoire, métabolique et digestif. Un ajustement d’une heure de l’heure externe perturbe l’horloge biologique.

« Le Consortium canadien de recherche sur le sommeil a récemment publié un article de synthèse soulignant les effets de l’heure d’été sur l’augmentation des événements cardiovasculaires, les conséquences néfastes sur la santé mentale et le fonctionnement diurne, ainsi que sur la réduction des performances globales, pour ne citer que quelques exemples.

« La géolocalisation des fuseaux horaires du Canada signifie que l’heure d’été oblige certains enfants à aller à l’école dans l’obscurité totale, et même à faire la récréation dans le noir. Les préoccupations financières soulevées – fuseaux horaires disjoints, impacts sur les entreprises – sont des phénomènes gérables qui ne devraient pas faire empiéter sur la santé publique et le bien-être général. »


Le Consortium canadien de recherche sur le sommeil discutera de cette question et d'autres sujets lors de sa réunion annuelle à Montréal, le jeudi 24 octobre et le vendredi 25 octobre.

Pour des entrevues avec la professeure Robillard, professeure agrégée dans l'École de psychologie :

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