Réduire l’impact des changements climatiques et du transport maritime dans l’Arctique : La boursière Killam de l’Université d’Ottawa et les Inuits sont sur le coup

Par Université d'Ottawa

Cabinet du vice-recteur à la recherche et à l'innovation, CVRRI

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Un navire de marchandises dans les eaux arctiques.
Grâce au financement du programme national Killam, Jackie Dawson, chercheuse à l’Université d’Ottawa, retourne au nord pour étudier les répercussions et les risques du transport maritime dans l’Arctique canadien.

Au Canada, le transport arctique a plus que triplé depuis 1990, et il est appelé à augmenter de façon exponentielle à mesure que la fonte de la glace marine – accélérée par les changements climatiques – facilite le transport dans les cours d’eau.

« La fonte des glaces prolonge la saison du transport maritime d’environ deux semaines à toutes les décennies, constate Jackie Dawson, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les dimensions humaines et politiques des changements climatiques et lauréate d’une bourse Dorothy Killam.

« Ça a peut-être du bon pour le développement économique, mais l’augmentation de la circulation commerciale peut se traduire par l’arrivée d’espèces envahissantes. Les mammifères marins comme les baleines boréales et les narvals sont aussi davantage perturbés par le bruit. Les conséquences sont par ailleurs majeures du côté des communautés inuites et autochtones dans ces régions. »

Dans le cadre de son nouveau projet de recherche, Inuit Qaujisrnirmut Pilirijjutit (Knowledge) on Artic Shipping Risks, la chercheuse de la Faculté des arts évaluera l’impact de l’augmentation du trafic maritime sur les populations humaines et de mammifères marins à proximité, tâchera d’anticiper les conditions à venir et cernera des stratégies d’atténuation des risques.

Pour ce faire, elle travaillera en étroite collaboration avec des scientifiques et des responsables inuits de la région, des partenaires de l’industrie et des membres de la communauté de recherche d’autres universités canadiennes.

La professeure Jackie Dawson sur le terrain.

« La seule façon de résoudre un problème de l’ampleur des changements climatiques, c’est de rassembler toutes sortes de gens, de points de vue, de cultures et de sciences »

Professeure Jackie Dawson

— Boursière Killiam, CRC en environnement, société et politique, Faculté des arts, Université d'Ottawa

Au service du savoir en gouvernance

Connue pour avoir positionné le Canada comme leader mondial en gouvernance de la navigation dans l’Arctique, Jackie Dawson collabore depuis presque dix ans avec des organisations internationales, nationales et locales, notamment des organismes communautaires inuits, pour répondre directement aux besoins changeants en recherche recensés par les communautés régionales.

En 2015, son projet Arctic Corridor and Northern Voices a établi une cartographie de la navigation dans l’Arctique canadien en fonction des zones marines d’importance culturelle pour les peuples inuits. Des couloirs et des passages de navigation ayant un impact moindre sur les communautés locales et l’environnement ont ainsi pu être identifiés.

Une fois ces données en main, elle a ensuite fait émerger et évalué des stratégies de gouvernance pour administrer ces couloirs à faible incidence, en plus d’analyser les possibilités et les difficultés associées à une circulation maritime en hausse.

Dans le cadre du programme national Killam, la professeure Dawson tâchera désormais de dégager des stratégies durables et autonomes d’atténuation des risques, en articulant ses recherches autour de quatre grands axes.

  • Futures routes de navigation : La professeure comparera les données historiques de navigation aux conditions changeantes des glaces marines pour anticiper les routes et les conditions de navigation.
  • Pollution sonore sous-marine : Elle étudiera la propagation du bruit des navires et ses répercussions potentielles sur les mammifères marins le long des routes estimées.
  • Contaminants : Elle mesurera l’impact des polluants émanant des navires, y compris le mazout et la peinture des coques, en comparant des échantillons d’eau prélevés dans des voies navigables à forte et à faible circulation et en analysant les concentrations de toxines dans les œufs d’oiseaux marins.
  • Espèces envahissantes : Enfin, elle étudiera les avantages et les inconvénients des peintures antisalissures, utilisées pour recouvrir le dessous des navires afin d’empêcher les organismes d’y adhérer, dans le but d’éclairer les meilleures pratiques en matière de lutte contre les espèces envahissantes.

Ces résultats de recherche seront utiles aux décisionnaires et aux gouvernements, aux communautés du Nunavut et de l’Inuit Nunangat (qui signifie « l’endroit où vivent les Inuits »), ainsi qu’à l’environnement marin et aux populations de la région. Ils serviront à la gestion côtière et marine de l’Inuit Nunangat et au développement de l’infrastructure marine, en plus de favoriser une meilleure collaboration entre les industries marines, les communautés et le monde universitaire.

« La plupart de la population canadienne ne réalise pas que 40 % de la masse continentale de notre pays est considérée comme faisant partie de l’Arctique, et qu’il s’agit de l’un des endroits les plus vulnérables aux changements climatiques dans le monde, fait remarquer la professeure Dawson. En tant que scientifiques, mais aussi en tant que pays, nous avons l’extrême responsabilité de comprendre les répercussions qu’un plus important trafic maritime aura sur les écosystèmes fragiles de l’Arctique canadien. »

Collaborateurs de Jackie Dawson regardant une carte et les routes maritimes.
Des chercheurs inuits élaborent une carte de navigation de l'Arctique canadien dans le cadre du projet « Arctic Corridor and Northern Voices » en 2015.

Collaboration et leadership autochtone

Dans son nouveau projet, la professeure Dawson compte marier des techniques scientifiques occidentales à un cadre de recherche autochtone connu sous le nom de aajiiqatigiingniq, qui repose sur l’inclusion à valeur égale des connaissances inuites.

Concrètement, cela signifie que deux méthodes d’échantillonnage seront utilisées : un échantillonnage réalisé par des associées et associés de recherche inuits, aidés de jeunes de la région, dans les territoires nunavois à forte ou faible circulation maritime, et la comparaison de ces échantillons à ceux collectés à bord d’un navire de la Garde côtière et d’un navire de croisière. Une fois les résultats des modèles mis au point, ils seront validés dans le cadre de discussions avec des gardiennes et gardiens du savoir inuit.

Jackie Dawson estime qu’en tant que nation émanant des premiers peuples, le Canada devrait estimer prioritaires le leadership autochtone en science et la souveraineté des données. À son avis, « pour faire évoluer la science, il est tout naturel d’infuser le savoir autochtone dans les pratiques occidentales. On ne saurait faire autrement pour trouver des solutions adaptées à notre société moderne. »

« Je pense que la seule façon de résoudre un problème de l’ampleur des changements climatiques, c’est de rassembler toutes sortes de gens, de points de vue, de cultures et de sciences, conclut la chercheuse. Après tout, c’est là – à la croisée de la diversité – que la magie opère. »