Melissa Fernandez est spécialiste des environnements alimentaires numériques. Elle étudie l’impact d’Internet et des nouvelles technologies sur notre santé et nos choix alimentaires, de la sélection des aliments à leur préparation et à leur consommation.
L’un de ses projets de recherche porte sur la communication des influenceuses et influenceurs en nutrition sur les médias sociaux et les facteurs qui contribuent à la popularité de leurs messages. Dans un environnement numérique où n’importe qui peut diffuser des informations sur l’alimentation et la nutrition, indépendamment de ses qualifications et de son expertise, le risque de propagation de fausses informations est considérable.
Quand le nombre d’abonnements ne fait pas l’expertise
À l’aide de critères adaptés de l’article « Comment trouver de l’information fiable en matière de nutrition et d’alimentation », publié par Les diététistes du Canada pour identifier la désinformation, Melissa Fernandez, ses collègues chercheuses, Kim Raine (Université de l’Alberta), Sophie Desroches (Université Laval), et un groupe d’étudiantes et d’étudiants ont découvert que les influenceuses et influenceurs les moins crédibles avaient dix fois plus d’abonnements que les personnes identifiées comme étant les plus crédibles, dont des diététistes.
Le corpus était composé d’influenceuses et d’influenceurs ayant un minimum de 10 000 personnes abonnées sur Instagram – certains comptes en ayant même plus d’un million. L’équipe de recherche a analysé le site Web de chaque influenceuse et influenceur et observé que les personnes peu crédibles se décrivaient toutes comme des entrepreneuses et entrepreneurs et utilisaient diverses tactiques pour promouvoir leur idéologie, leurs services et leurs produits.
L’une de ces tactiques est de « cacher des informations fausses ou faisant la promotion d’un produit parmi plusieurs publications plus informatives, ce qui donne une impression de crédibilité », explique la professeure Fernandez. Une autre concerne la profession mentionnée : des influenceuses ou influenceurs prétendent par exemple être des « nutritionnistes cliniques », un titre qui ne correspond à aucune profession de la santé réglementée au Canada. D’autres se disent « nutritionnistes holistiques » ou « naturopathes nutritionnistes », ce qui a pour effet de « confondre le public pour qu’il pense qu’il s’agit d’experts dans le domaine ».
De manière générale, Melissa Fernandez conseille de se méfier des produits miracles, qui promettent par exemple une perte de poids en quelques semaines, ainsi que des publications encourageant un changement radical au mode d’alimentation.
Démêler le vrai du faux
La professeure Fernandez souligne que la surabondance d’informations sur les médias sociaux rend le monde numérique particulièrement déroutant pour les consommatrices et consommateurs. Dans un autre projet de recherche, elle s’intéresse au manque d’esprit critique du public.
Pour évaluer celui-ci, Melissa Fernandez a demandé à un échantillon de 21 étudiantes et étudiants de l’Université de l’Alberta ne suivant pas de cours en nutrition de déterminer la crédibilité d’une influenceuse ou d’un influenceur à partir de son site Web. Les participantes et participants disposaient de deux minutes pour prendre une décision, un intervalle court qui correspond au temps que le public consacre habituellement à cette analyse.
Résultat? Seulement 25 % des étudiantes et étudiants étaient capables d’évaluer que l’influenceuse ou l’influenceur n’était pas crédible. La chercheuse déplore que le plus souvent, les informations qui semblent les plus crédibles soient celles qui sont les plus populaires. Autrement dit, le public juge avant tout la crédibilité d’une influenceuse ou d’un influenceur selon le nombre de personnes abonnées.
Entre éthique et viralité
Selon la professeure, une des raisons expliquant cette différence de popularité est que les influenceuses et influenceurs non crédibles sont libres de partager ce qu’ils souhaitent et de la manière dont ils le souhaitent, tandis que les professionnelles et professionnels de la santé « ont les mains liées » par les ordres auxquels ils appartiennent.
Elle remarque un décalage entre les pratiques restrictives imposées par les ordres professionnels et les stratégies les plus efficaces pour capter l’attention des utilisatrices et utilisateurs sur les médias sociaux. Par exemple, une vidéo très courte sur Instagram, qui sensationnalise les informations présentées, a plus de chances de devenir virale. « C’est donc beaucoup plus facile pour un influenceur sans contraintes de créer des publications créatives et attrayantes que pour un diététiste », constate la chercheuse.
Pour vérifier la crédibilité d’un contenu sur la nutrition, Melissa Fernandez recommande aux consommatrices et consommateurs de faire preuve de vigilance et de porter attention aux indices qui permettent de déterminer si les influenceuses et influenceurs sont crédibles : est-ce qu’ils tentent de vous vendre des produits? Est-ce qu’ils vous proposent des solutions miracles?