Comprendre et anticiper les changements climatiques
Les recherches du professeur Seidou portent sur la modélisation des bassins versants et la gestion des ressources en eau. Parce que l’eau est le principal vecteur de l’impact des changements climatiques, ses recherches touchent des domaines aussi variés que la science du climat, l’agriculture et l’économie. Pendant des années, il a étudié les extrêmes hydrométéorologiques, comme les inondations et les sécheresses, pour mieux en évaluer la probabilité et ainsi aider à concevoir des infrastructures résilientes qui peuvent leur résister et en atténuer les impacts sur la société et les écosystèmes. En raison des inquiétudes grandissantes face au réchauffement planétaire, il est de plus en plus sollicité pour soutenir les efforts d’adaptation aux changements climatiques, un domaine jusqu’ici relégué au second plan derrière la réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment en ce qui a trait au financement. Il est maintenant l’un des 87 spécialistes mandatés par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour définir des indicateurs en appui à l’Objectif mondial d’adaptation (OMA), qui fait partie de l’Accord de Paris, afin de suivre les progrès mondiaux vers la durabilité.
Un effort coordonné pour l’adaptation aux changements climatiques partout sur la planète est urgent et incontournable. « Nous savons que, quoi qu’il arrive, les impacts sont déjà là. Il faut apprendre à vivre avec plus de précipitations, plus d’inondations, plus de feux de forêt », explique le professeur Seidou, dont le travail consiste notamment à définir des indicateurs permettant de mesurer l’adaptation des sociétés aux nouvelles réalités climatiques.
La recherche en français : un défi pour la visibilité scientifique
Au-delà de ses travaux sur l’adaptation aux changements climatiques, Ousmane Seidou s’intéresse à un autre enjeu : la visibilité de la recherche francophone. Si ses collaborations avec des institutions dans le monde francophone (principalement en Afrique occidentale et centrale) se font naturellement en français, la langue dominante des publications scientifiques reste l’anglais.
« Une publication en anglais est dix fois plus lue qu’une publication en français », déplore-t-il. Pourtant, produire du savoir dans la langue locale est essentiel pour influencer les politiques publiques et adapter les solutions aux réalités du terrain. L’absence de recherches accessibles en français limite la participation de nombreux pays francophones à la lutte aux changements climatiques.

« Produire du savoir dans la langue locale est essentiel pour influencer les politiques publiques et adapter les solutions aux réalités du terrain. »
Ousmane Seidou
— Professeur à la Faculté de génie de l’Université d’Ottawa
Le chercheur parle en connaissance de cause. En plus de donner accès à ses recherches par le biais de différents rapports en français, il a développé les lignes directrices du Conseil des ministres des pays de l’Autorité des bassins du Niger sur les investissements durables ― un travail qui est nécessairement en français puisque huit pays sur neuf dans le bassin sont francophones. Un exemple probant de l’influence de la recherche en français sur les choix stratégiques et sur des politiques adaptées aux réalités locales.
La question du financement est souvent sous-jacente à celle de la langue. Si les institutions canadiennes financent la recherche, les chercheuses et chercheurs francophones, notamment en Afrique subsaharienne, manquent souvent de ressources pour produire et diffuser leurs travaux et les voir mis en application dans leur propre pays. De plus, les gouvernements de ces pays tendent à privilégier les firmes internationales au détriment des chercheuses et chercheurs locaux, freinant le développement d’une expertise scientifique autonome.
Ousmane Seidou se réjouit de l’appui de l’Université d’Ottawa à la recherche en français, car il lui permet de contribuer à la production scientifique francophone internationale.
Un appel à l’action pour la science et les décideurs
Pour le professeur Seidou, la solution passe par une reconnaissance accrue de la science en français par les gouvernements et un engagement plus fort des membres francophones de la communauté de recherche à l’égard des grands enjeux mondiaux. « Publier, c’est bien, mais il faut aussi s’impliquer dans les décisions », insiste-t-il. Le savoir et les universités sont davantage perçus comme des moteurs de développement économique dans le monde anglophone que dans la francophonie.
Il prône une meilleure intégration de la recherche en français au sein des instances internationales et réclame des efforts accrus en matière de financement de la science dans les pays francophones. L’enjeu est clair : sans une production scientifique diversifiée et accessible, les solutions aux défis climatiques risquent de ne pas refléter la réalité de millions de personnes.
Par ses recherches et son engagement, Ousmane Seidou illustre l’importance d’une science à la fois rigoureuse et accessible, qui ne se limite pas aux publications universitaires, mais qui impacte directement les politiques publiques et la vie des citoyennes et citoyens.