Sciences, savoirs et société : repenser les connaissances à travers les regards sociologiques

Par Université d'Ottawa

Cabinet du vice-recteur à la recherche et à l'innovation, CVRRI

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Un groupe d'étudiants travaillant ensemble, vu d'en haut.
Dans un monde en perpétuel changement, la sociologie nous offre des clés inédites pour repenser les défis épistémologiques, sociaux, politiques et médiatiques qui façonnent nos sociétés. En explorant ces enjeux sous des nouveaux angles, elle ouvre la voie à des approches novatrices pour y faire face.

L’été dernier, l’Université d’Ottawa a été le théâtre du 22ᵉ Congrès international des sociologues de langue française, réunissant plus de 1 000 spécialistes des quatre coins du globe autour d’un thème crucial : « Sciences, savoirs et société ».

Lors de son discours inaugural, Martine Lagacé, vice-rectrice associée à la promotion et au développement de la recherche, a mis en lumière une vérité essentielle : « La spécificité de la recherche en sciences sociales, c’est qu’elle s’inscrit dans des contextes culturels différents qui ont leurs propres caractéristiques. »

Partons à la rencontre de deux sociologues de l’Université d’Ottawa qui, lors du Congrès, ont animé des discussions passionnantes sur le rôle des sciences sociales dans l’écologie des savoirs, offrant des perspectives uniques sur cet enjeu crucial.

Vers une science inclusive : comment les sciences sociales révèlent les enjeux cachés de la science

Professeure à l'École d’études sociologiques et anthropologiques et directrice du Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités (CIRCEM), les recherches de Stéphanie Gaudet portent sur l’engagement social et politique, la participation démocratique et les méthodologies qualitatives.

Selon elle, les sciences sociales sont cruciales pour comprendre comment les individus, les sociétés et les gouvernements évoluent avec les innovations en sciences et technologies, particulièrement dans le contexte actuel de méfiance envers les connaissances scientifiques.

Elle souligne l’impact de la pandémie COVID-19 : « Les gouvernements ont voulu agir vite pour lutter contre le virus, donc ils n’ont pas ouvert la discussion scientifique. Cela s’est traduit par une méfiance de la part d’une certaine partie de la population envers la science, mais dans la réalité, c’est une perte de confiance à l’égard du gouvernement dans sa gestion de cette crise. »

« Nos gouvernements manquent de transparence dans la manière dont ils obtiennent et utilisent les données scientifiques et quant à l’influence du lobbying des compagnies privées, notamment des compagnies pharmaceutiques et agroalimentaires, sur les priorités scientifiques », ajoute-t-elle.

Elle nous dit que les sociologues sont à même d’étudier ces phénomènes, « car ils analysent le rôle de plusieurs acteurs et leurs relations de pouvoir pour comprendre qui instrumentalise qui, et qui sont les populations en situation de minorisation ou d’inégalités sociales. »

« Il faut aussi comprendre que bien que nos techniques scientifiques tentent d’atteindre la neutralité, tous les savoirs sont situés, souligne-t-elle. À l’aide des sciences sociales, on peut mieux comprendre l’influence du vécu et de la socialisation individuelle des scientifiques sur leurs objets de recherche, et donc les résultats et les connaissances en découlant. »

Elle cite les recherches de Vincent Larivière démontrant qu’aux États-Unis, la venue des femmes dans le milieu universitaire a mené au développement de savoirs sur la violence conjugale et les inégalités de genre, entre autres. « Ceci démontre l’importance de la diversité des scientifiques et des épistémologies scientifiques, dit-elle. Si nos scientifiques partagent tous la même perspective du monde, ceci limitera le progrès et le développement de nouvelles connaissances. »

Professeure Stéphanie Gaudet

« Si nos scientifiques partagent tous la même perspective du monde, ceci limitera le progrès et le développement de nouvelles connaissances. »

Professeure Stéphanie Gaudet

— Directrice du CIRCEM

Vers une nouvelle écologie des connaissances : Qaujimaniq et savoirs pluriels

La professeure Catherine Dussault s’intéresse aux conditions de production, de mobilisation et d’accès aux savoirs autochtones, particulièrement par les Inuit du Nunavik.

La professeure explique que le concept du savoir autochtone résiste à une définition monolithique. « Le savoir autochtone possède de multiples significations. Elles sont toutes liées à des manières de vivre, à l’expérience concrète, à des relations avec soi-même et avec les autres, y compris avec la terre, les animaux, l’eau, et plus encore. »

Soulignant cette pluralité, elle fait remarquer qu’en inuktitut, le savoir ordinaire se dit « qaujimaniq », terme dont la racine « qau » signifie lumière. « Par la langue, on voit que les Inuit pensent le savoir comme quelque chose qui éclaire, qui est actif, et qui est en contraste à l’obscurité », dit-elle.

À travers ses recherches, la professeure Dussault réfléchit à ces multiplicités et à leurs relations, afin d’identifier des manières de les faire briller de façon individuelle et collective. Elle suggère plutôt de valoriser la pluralité des savoirs et la reconnaissance de l’égale dignité des savoirs.

« Il faut éviter de voir le “savoir autochtone” comme quelque chose qui doit remplir une fonction au sein d’un autre régime de savoir, prévient-elle. Dans cette perspective, le savoir autochtone est pensé et utilisé comme quelque chose qui existe seulement dans le miroir du savoir euro-occidental. Or, nous savons que le savoir autochtone existe bien au-delà de cette binarité, même si elle participe de sa construction. »

Pour valoriser d’autres manières d’être, de penser, de ressentir et d’agir, la professeure Dussault estime qu’il est nécessaire de réfléchir à son propre rôle en tant que chercheuses et chercheurs en sciences sociales : « Il est d’abord de notre ressort de s’interroger sur les conditions d’accès, de mise en partage et de circulation des savoirs, et ce, dans différentes sphères de la vie sociale. »

Professeure Catherine Dussault

« Il est d’abord de notre ressort de s’interroger sur les conditions d’accès, de mise en partage et de circulation des savoirs, et ce, dans différentes sphères de la vie sociale. »

Professeure Catherine Dussault