Cette cause est au cœur du travail de Pramila Patten, représentante spéciale du Secrétaire général, chargée depuis 2017 de la question des violences sexuelles commises en période de conflit. Le 17 novembre 2022, elle prononçait le discours principal de la conférence Alex-Trebek.
Pramila Patten y a retracé l’évolution de son mandat et de ses priorités stratégiques depuis 2009. Devant une assistance en personne et virtuelle, elle a dénoncé sans détour le fossé entre les résolutions des Nations Unies et la réalité, entre les engagements des États et leur conformité.
Ses propos étaient parfois difficiles à entendre. Lors de ses missions en zones de conflit, elle a recueilli les témoignages déchirants de femmes, d’hommes et d’enfants victimes de violence sexuelle.
Son discours nous a rappelé que des crimes haineux sont perpétrés chaque jour. « Quand elle a raconté la dure réalité de ces personnes, j’ai vraiment pris conscience de l’importance des actions concrètes de son bureau », confie Lou Raisonnier, doctorante en deuxième année à la Faculté des sciences sociales.
Cette experte en la matière a eu l’occasion de poser une question à Pramila Patten après la conférence, et n’a pas manqué de la féliciter pour avoir bien fait comprendre à l’auditoire l’urgence de la situation et les répercussions de la violence sexuelle comme arme de guerre, que de simples statistiques ne peuvent traduire.
Les survivantes et survivants d’abord
Pramila Patten a également frappé les esprits en décrivant sa vision de son mandat. Lors de ses missions sur le terrain, elle rencontre d’abord les personnes survivantes et les organisations de la société civile. « C’est seulement après que je rencontre les pouvoirs publics, car mon rôle consiste à amplifier leur voix, à transmettre leurs témoignages au gouvernement », expliquait-elle.
Au Nigéria comme en Irak ou en Somalie, les survivantes et survivants ne demandent généralement que deux choses : d’une part, des moyens de subsistance et une aide économique, et d’autre part, la justice.
« L’aide économique favorise l’autosuffisance, l’estime de soi et la résilience, qui à leur tour réduisent les risques et rehaussent la perception des survivantes aux yeux de leur communauté, faisait observer la conférencière. Mais l’éducation, le crédit et les avantages économiques demeurent pratiquement hors de portée de ces femmes qui, bien souvent, doivent affronter deux tragédies : le viol et le rejet. »
Par ailleurs, Pramila Patten soutient que la justice doit s’accompagner de mesures de réparation : accès à des services de santé sexuelle et reproductive, éducation, emploi, propriété foncière et autres ressources permettant à ces personnes de se libérer du traumatisme et de la stigmatisation.
Priorités stratégiques : de la prévention à la réforme législative
Le bureau de Pramila Patten a privilégié la prévention de la violence sexuelle en période de conflit au lieu de s’en tenir à l’intervention après les faits. Dans cette optique, son équipe a lancé un cadre de prévention en septembre 2022.
Le cadre aborde la prévention au niveau structurel et au niveau opérationnel. Il appelle à lutter contre les inégalités entre les sexes, cause fondamentale de la violence sexuelle, et propose des mesures d’atténuation des risques afin que les gouvernements, les organismes des Nations Unies et les autres parties intéressées puissent prendre des mesures immédiates au moindre signe avant-coureur de violence en conflit armé.
« Je suis animée par la ferme conviction que plus vite nous planterons les semences de la prévention, meilleurs seront ses fruits », soulignait Pramila Patten.
La conférencière accorde également une importance primordiale aux réformes législatives en vue de faciliter la condamnation des coupables de violence sexuelle, ainsi qu’à la reconnaissance officielle des enfants issus de viols, afin qu’ils puissent jouir de leurs droits.
Un mandat ancré dans la solidarité et l’équité
À titre d’experte, Padmah Osman, finissante du programme de maîtrise en études féministes et de genre à l’automne 2022, a pu elle aussi poser une question à la conférencière. Les deux femmes ont en commun leurs origines mauriciennes et leur intérêt pour la recherche sur la violence contre les femmes.
Padmah Osman a exprimé sa fierté et son émotion de partager la scène avec une compatriote. « J’ai été étonnée de son honnêteté, confie l’étudiante. Elle a eu l’humilité de reconnaître que nous n’en faisons pas assez et qu’il faut redoubler d’efforts. C’est ce qu’il fait d’elle une grande dame. »
Nadia Abu-Zahra, professeure agrégée et titulaire de la Chaire conjointe en études des femmes de l’Université d’Ottawa et de l’Université Carleton, a pris le micro pour le mot de la fin. Elle a félicité Pramila Patten pour son dévouement à promouvoir une justice préventive, axée sur les personnes survivantes et ancrée dans les principes de l’équité et de la solidarité.
La professeure Abu-Zahra a conclu en ces mots : « Ce que nous remarquons et qui suscite toute notre admiration, c’est votre façon de voir les contraintes et d’établir des stratégies [pour les surmonter]. [...] Et parce que vous connaissiez déjà les différents systèmes à votre disposition bien avant votre nomination à ce poste, vous cultivez une approche exemplaire pour l’exécution de ce mandat. »
Face à la multiplication des crises humanitaires dans le monde, Pramila Patten a insisté sur l’urgence de renforcer l’aide technique et financière en vue de signer des conventions pour prévenir la violence sexuelle en période de conflit et mieux y réagir.
Son discours témoignait de sa détermination à défendre les droits des personnes survivantes, à promouvoir l’État de droit et à resserrer la collaboration entre les gouvernements et les organismes des Nations Unies. Elle espère ainsi que toutes les personnes ayant vécu des violences sexuelles obtiendront justice et réparation, et verront enfin renaître l’espoir.