Les jeunes, qui sont parmi les groupes les plus touchés, se désintéressent de plus en plus des systèmes politiques traditionnels. Le professeur Daniel Stockemer, comportementaliste politique à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche Konrad Adenauer en études empiriques de la démocratie, se penche sur ces défis croisés. Ses travaux de recherche révèlent comment l’aliénation politique des jeunes et les croyances conspirationnistes déstabilisent les sociétés et menacent l’avenir de la démocratie.
Le cercle vicieux de la sous-représentation des jeunes et ses vastes répercussions
Les travaux de Daniel Stockemer révèlent une disparité étonnante dans la représentation politique : les personnes de moins de 35 ans sont sous-représentées dans une proportion de 3 pour 1 dans les assemblées législatives et de 10 pour 1 dans les cabinets exécutifs partout dans le monde. À l’aide des données du WARP (Worldwide Age Representation in Politics), il démontre comment cette exclusion perpétue ce qu’il qualifie de « cercle vicieux » de désengagement. La sous-représentation décourage les jeunes de voter ou de se présenter aux élections, ce qui amenuise encore leur présence politique.
« Les barrières à l’entrée sont à la fois formelles et informelles », explique le professeur Stockemer. Les partis politiques privilégient souvent les candidates et candidats ayant une longue expérience au sein du parti ou bénéficiant d’un soutien financier, des domaines dans lesquels les jeunes sont généralement à la traîne. Sans interventions ciblées, comme des quotas pour les jeunes ou des limites de mandats pour les fonctionnaires en poste depuis longtemps, il est peu probable que ce cycle se brise.
Les conséquences de ce désengagement vont au-delà de la représentation. Déconnectés des systèmes politiques traditionnels, de nombreux jeunes sont attirés par les mouvements populistes et les contre-discours, y compris les théories du complot. Les recherches du professeur Stockemer suggèrent que l’aliénation politique accroît la vulnérabilité à la désinformation, créant ainsi un lien direct entre la sous-représentation des jeunes et la montée des croyances conspirationnistes. Cette dynamique souligne la nécessité de trouver des solutions globales qui s’attaquent simultanément à ces deux défis, favorisent l’inclusion et rétablissent la confiance dans les systèmes démocratiques.
Portrait des complotistes et de leurs adeptes modernes
Au moyen d’un sondage novateur mené dans huit pays, dont le Canada, l’Allemagne et le Brésil, le professeur Stockemer étudie le profil type de l’adepte des théories du complot. Ses travaux révèlent des différences marquées dans la prévalence des croyances conspirationnistes, en particulier celles liées aux changements climatiques. Au Canada, par exemple, seulement 15 % de la population estime que les changements climatiques sont un canular – un chiffre inférieur à celui du Brésil et des États-Unis, où il atteint 25 %, mais supérieur à celui de l’Allemagne, qui est de 10 %.
Daniel Stockemer identifie des facteurs qui contribuent à ces croyances, notamment l’idéologie d’extrême droite, les attitudes populistes et la méfiance à l’égard de la science. Contre toute attente, les jeunes y sont particulièrement réceptifs. « Les jeunes d’aujourd’hui sont socialisés dans un monde qui semble à l’envers », explique-t-il. Le professeur souligne en outre que les théories du complot apparaissent comme des explications de rechange à des événements souvent marquants. Or, les personnes qui inventent ces théories ont toujours des motifs et des objectifs cachés et ciblent une partie adverse. Selon lui, l’aliénation politique – aggravée par les chambres d’écho des médias sociaux et l’absence de socialisation politique conventionnelle dans la famille et à l’université – rend les jeunes particulièrement vulnérables à la désinformation.
Renforcer la résilience : restaurer la confiance dans la démocratie
Pour contrer les défis interdépendants de la sous-représentation des jeunes et de la propagation des croyances conspirationnistes, Daniel Stockemer préconise une approche multidimensionnelle :
- Transparence du gouvernement : Une communication ouverte sur les grands enjeux, notamment l’ingérence électorale et les crises de santé publique, aide à rétablir la confiance entre les citoyennes et citoyens et réduit l’attrait de la désinformation. La transparence est essentielle pour restaurer la confiance dans les institutions.
- Responsabilité des élites : Les élites politiques et sociétales ont l’obligation morale de donner la priorité à la vérité, même lorsqu’elle est gênante. Le professeur Stockemer précise que « la démocratie n’est pure que dans la mesure où les personnes qui la dirigent le sont ». Un comportement éthique et une réduction de la rhétorique populiste clivante sont essentiels pour freiner l’érosion des valeurs démocratiques.
- Amélioration de l’éducation civique : Les systèmes d’éducation doivent doter les jeunes des outils nécessaires pour distinguer les faits de la fiction. Une formation civique obligatoire, au même titre que les matières de base comme les mathématiques, peut favoriser l’esprit critique et les compétences médiatiques. « On estime que tout le monde a besoin de connaissances de base en calcul, fait remarquer Daniel Stockemer. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la culture politique? »
« On estime que tout le monde a besoin de connaissances de base en calcul. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour la culture politique? »
Daniel Stockemer
— professeur et Chaire de recherche Konrad Adenauer en études empiriques de la démocratie.
As Stockemer moves into the next phase of his research, he seeks to connect the dots between youth political alienation, conspiracy beliefs and populism. This holistic perspective is critical for addressing these crises simultaneously. “Understanding these dynamics is crucial for strengthening democracy in the face of rising polarization,” he emphasizes.
Stockemer’s work is both a wake-up call and a blueprint for action. Conspiracy theories and youth underrepresentation are not isolated issues; rather, they are interconnected symptoms of deeper challenges. Addressing them requires systemic changes rooted in transparency, inclusivity and education.
Ultimately, Stockemer’s research underscores a fundamental truth: democracy thrives when all voices are heard, and when facts prevail over fiction. By tackling these pressing issues, he aims to safeguard democratic ideals and ensure their resilience against the growing threats of polarization and misinformation.