Suspendre le temps : Jean Quirion se livre au plaisir de créer ensemble

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Frankiki, personnage rose des albums illustrées des Zaventures des Petits-Zamours, est assis dehors à une table et mange une pointe de tarte et a, devant lui, un breuvage. Des papillons volent au-dessus de sa tête.
Couverture de La Clairière gourmande, l’un des six albums des Zaventures des Petits-Zamours du professeur et auteur Jean Quirion.
Imaginez suspendre le temps, voilà ce qu’a fait Jean Quirion, professeur de traduction hier et auteur jeunesse aujourd’hui.

C’est pendant les périodes de traitement au centre de cancérologie que Jean décide d’écrire.  Devant le compte à rebours incertain de sa vie - un ou deux ans, il se lance dans un projet : se faire grand-papou pour ses éventuels petits-enfants, ses Petits-Zamours qu’il ne connaitra pas, et leur présenter les plaisirs simples et essentiels de la vie - amour, famille et amitiés – à travers des récits jeunesse. Le plaisir et l’imagination en héritage, cela lui ressemble. En lançant « Ça ferait de beaux albums illustrés ! », sa complice Lyne Marcil touche la corde festive de son amoureux de rassembleur et décuple le projet de départ.

Alors que les six albums viennent tout juste d’être achevés, Jean Quirion nous raconte la fantastique épopée qui lui a permis de faire le deuil du grand-papou en lui, entouré de sa famille, de ses amours et de ses amies et amis. Parce qu’il ne boude jamais son plaisir, Jean en profite aussi pour clore, à sa façon, le chapitre de sa carrière de chercheur, linguiste et professeur à l’Université d’Ottawa. 

La fin de la rédaction des Petits-Zamours, le début d’une aventure

Comment sont arrivées les Zaventures des Petits-Zamours? « D’un seul jet », confie Jean. Il savait qu’il avait livré toutes les histoires qu’il portait en lui en écrivant le dernier récit, celui dans lequel grand-papou n’est plus. Cette fin est devenue le début de l’aventure puisque l’idée d’albums illustrés de Lyne a sonné le rassemblement de l’équipage Quirion-Marcil. Lyne est devenue officiellement la seconde capitaine pour reprendre la barre des aventures, quoi qu’il arrive. Sylvain Lemay, ancien collègue et ami de Jean a offert son expertise de spécialiste en bande dessinée. Sa conjointe, Rosaura Guzman Clunes, s’est occupé du design graphique. Richard, son ami de longue date, a soutenu financièrement le projet en y investissant le généreux cadeau de retraite offert par son employeur.

Au début de chaque album, la mention « Sous la direction artistique de Lyne et Sylvain » révèle leurs précieux rôles dans le processus de création. Si Jean livrait la riche matière brute, Sylvain suggérait où ciseler, et Lyne maintenait le cap. Se sont joints à eux Thom, pour les illustrations, et trois anciens doctorants de Jean, pour les versions audio ― Baris Bilgen, Julián Zapata et Elizabeth Saint (et son fils Elliot). Images, couleurs, dessins, sons et bruitages ont apporté d’autres façons d’entrer dans l’univers des Petits-Zamours. En vrai linguiste, Jean confie avoir découvert différents procédés de narration. Sa page de mots bien rectangulaire s’est animée en tableaux narratifs.

Les Petits-Zamours sont inspirés de la vie de Jean et Lyne avec leurs propres enfants, Vincent, Flavie et François, devenus aujourd’hui de grands-zamours. Au fil des albums, les traditions familiales créées pour le simple plaisir d’être ensemble se perpétuent. Viennent s’y ajouter les glissades, les toutous, la crème glacée, les balades à vélo et le vélo-cargo, invention rêvée de Jean pour promener ses petits-enfants.

Une belle épopée pour un grand départ. À mon invitation de la prolonger sur le campus de l’Université d’Ottawa, Jean répond « Pourquoi pas? ». 

Léguer sa soif collaborative d’apprendre : Salut Campus!

Secret de polichinelle, Jean Quirion est un professeur, un chercheur et un collègue que tout le monde adore. À la question « Que dirais-tu aux étudiantes et étudiants que tu ne connaitras pas? », Jean s'accorde une courte pause, et le conteur reprend le crachoir. « En fait, cet article me permet aussi de faire le deuil de tout ce qui touche à l’université et qui a occupé une immense place dans ma vie. » 

Jean Quirion

« Cet article me permet aussi de faire le deuil de tout ce qui touche à l’université et qui a occupé une immense place dans ma vie. »

Jean Quirion, professeur à l’École de traduction de l’Université d’Ottawa

— Jean a été nommé professeur de l’année de la Faculté des arts en septembre 2024.

À ses yeux, la recherche universitaire et la vie sont semblables au processus de création de ses albums : elles donnent la liberté d’inventer, d’innover et de collaborer. Le linguiste épicurien insiste : cette liberté doit reposer sur le pur plaisir d’être ensemble.

Aux étudiantes et étudiants qu’il ne connaitra pas, celui qui a été nommé professeur de l’année de la Faculté des arts en septembre 2024 rappelle que les cours sont des environnements collaboratifs au sein desquels le prof sert de guide. Chaque cours est une invitation à la découverte. Le prof Quirion a toujours mis en pratique cette vision non hiérarchique de l’enseignement. Son célèbre cours « Termino à vélo » proposait une randonnée cycliste pour explorer la réalité du traducteur en milieu professionnel et la vitalité d’une langue au cœur des villages et villes traversés mais aussi de leurs histoires. Le guide Quirion a observé les progrès de sa classe au fil des 500 kilomètres parcourus. Deux semaines à pédaler sur le thème de la langue et de la traduction, quelle liberté!

Aux étudiantes et étudiants qu’il ne connaitra pas, il confie à quel point la recherche est une rencontre des idées en liberté autour d’un café... ou d’une bière. La collaboration décuplant le potentiel d’innovation, ces idées deviennent des recherches et des publications sérieuses. Il aimerait leur transmettre cette soif d’apprendre communicative qui l’a toujours animé.

Le temps, on y revient, file, et notre rencontre tire à sa fin. Je propose à Jean de le suspendre un peu plus avec un autre projet: « À quand le film les Petits-Zamours, Jean? ». Il rit en répondant tout simplement « Pourquoi pas? Tu sais qu’un ami dont le fils habite Barcelone s’est lancé dans l’aventure de la littérature jeunesse? Peut-être que les Petits-Zamours seront traduits en espagnol! » Pequeños amores…

Et la discussion se poursuit avec ce professeur de traduction, auteur jeunesse et maître dans l’art de rassembler.

Le projet des Petits-Zamours a aussi une dimension sociale. Pour chaque album vendu, 100 % des profits nets sont remis à la Fondation Santé Gatineau.