Technologies en santé : comment les recherches de la professeure Sylvie Grosjean transforment les soins

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Une femme se sentant mal avec un rythme cardiaque élevé à la maison, passe un appel vidéo à un médecin à l'aide d'une tablette numérique.
Crédit photo : Adobe Stock
Montres connectées, agents conversationnels, télémédecine, applications mobiles… Autant de technologies numériques de santé qui redéfinissent les soins, transformant la manière dont la patientèle et le personnel professionnel interagissent. Mais comment s’assurer qu’elles répondent réellement aux besoins et ne s’imposent pas comme de simples raccourcis pour réduire les coûts des soins de santé?

C’est la question au cœur des recherches de Sylvie Grosjean, titulaire de la Chaire de recherche en francophonie internationale sur les technologies numériques en santé. Adoptant une approche de co-conception (aussi connue sous le nom de codesign), elle étudie comment intégrer les outils technologiques aux pratiques de soins, sans toutefois qu’ils se substituent à l’expertise, à l’expérience et à la présence humaine.

L’acceptabilité des technologies en santé : une question centrale

Le caractère innovant d’une technologie ne garantit pas son adoption. Son adoption dépend de son acceptabilité, laquelle doit tenir compte des usages, des valeurs et des besoins des communautés concernées. « Ce qui m’intéresse, c’est comment les technologies numériques de santé sont utilisées et comment nous pouvons penser leur conception avec les patients et les professionnels », explique Sylvie Grosjean. C’est pourquoi elle mise sur une approche de co-conception qui intègre les utilisatrices et utilisateurs dès le début du développement de ces technologies.

Sylvie Grosjean

« Ce qui m’intéresse, c’est comment les technologies numériques de santé sont utilisées et comment nous pouvons penser leur conception avec les patients et les professionnels. »

Sylvie Grosjean

— Professeure Titulaire, Communication, Faculté des arts

En misant sur une approche collaborative et inclusive, dite de co-conception, ces innovations ont le potentiel d’améliorer considérablement l’accès aux soins de santé et leur qualité, notamment pour les populations francophones en situation minoritaire dont les besoins en soins en français sont criants.

Dans une étude menée auprès des francophones de l’Ontario et avec ces communautés, la professeure Grosjean a entre autres pu identifier trois critères d’accessibilité essentiels :

  • Tenir compte des spécificités linguistiques et culturelles des collectivités francophones : Les technologies doivent être conçues avec et pour les communautés francophones afin d’être adaptées à leurs besoins en matière d’accès aux soins, mais aussi de prendre en compte leurs différences culturelles et linguistiques.
  • Penser l’intégration de ces technologies dans un parcours de soins : La patientèle et le personnel professionnel veulent des outils qui complètent l’offre de services en français sans s’y substituer.
  • Avoir une valeur sociale et développer des technologies bienveillantes : Les utilisatrices et utilisateurs doivent voir la valeur ajoutée que peuvent avoir ces technologies, sans craindre une déshumanisation des soins.

Ces critères guident le développement des outils technologiques dans les travaux de la professeure Grosjean. De plus, afin d’offrir une porte d’accès simple, ludique et particulièrement francophone, son équipe a créé une bande dessinéequi présente les résultats d’une recherche sur l’avenir des soins virtuels en Ontario.

La co-conception : une approche centrée sur l’humain

L’approche de co-conception est essentielle tant pour favoriser l’acceptabilité et l’adoption des technologies dans la chaîne de services de santé que pour assurer leur pertinence dès leur développement. En faisant participer la patientèle, le personnel soignant, les ingénieures et ingénieurs ainsi que les chercheuses et chercheurs à l’étape du développement de la technologie, elle permet de créer des outils adaptés aux réalités du terrain.

La personnalisation est un élément clé des recherches de la professeure Grosjean. Son équipe travaille sur une plateforme (nommée eCARE-PD) destinée aux personnes atteintes de Parkinson et visant à adapter les conseils de santé selon le profil de chacune. « Une personne nouvellement diagnostiquée n’a pas les mêmes besoins qu’un patient vivant avec la maladie depuis 15 ans », explique-t-elle.

L’équipe de recherche de Sylvie Grosjean travaille donc sur un système de recommandation conversationnel alimenté par l’intelligence artificielle, capable d’adapter les conseils en fonction du profil de chaque personne. Dans le cadre de ce projet, elle a adopté une approche de co-conception afin de réunir des gens qui se font soigner, qui prennent soin d’autrui, qui travaillent dans le milieu de la santé ou en ingénierie, ou qui ont une expertise en sciences sociales et humaines, dans le but de les faire dialoguer et de permettre le développement d’une technologie utile et personnalisée, mais aussi bienveillante. 

Vers une intégration réfléchie et éthique des technologies en santé

Si les technologies numériques de santé offrent des perspectives prometteuses, elles ne doivent pas s’imposer comme une réponse simpliste à la pénurie de professionnelles et professionnels de la santé. L’intégration réfléchie de ces outils repose sur une collaboration étroite entre la communauté de recherche, le personnel soignant, la patientèle et les entreprises, qui oriente les décisionnaires. Les recherches de Sylvie Grosjean soulignent que l’adoption des technologies ne peut se décréter : elle doit se construire avec les utilisatrices et utilisateurs, en tenant compte de leurs besoins et de leurs valeurs.

C’est en adoptant une approche collaborative et inclusive et en portant une attention soutenue aux usages des technologies que l’on comprend comment ces innovations pourraient améliorer l’accès aux soins et leur qualité, notamment pour les populations francophones en situation minoritaire.